1/ Ouvrir un livre pris dans la pile d’ouvrages en attente. En lire
quelques pages pour nourrir le moment d’avant l’écriture.
S’arrêter sur de la limaille d’encre*. N’avoir
nul besoin d’aller plus avant. Se nourrir de cette image, la voir
sur le doigt entaché de l’encre d’un stylo plume, ou plus ancien
encore du porte-plume de l’enfance grignoté à son embout, et la
tache sur le papier soudain transformée en fleur.
2/ À
l’écoute de l’écrit des uns et des autres, je
furète dans les blogs, me laisse porter, emporter dans des errances
d’écriture, me perds parfois à ne plus savoir où je suis, chez
qui je suis, ce que je fais là. Je note juste que le temps s’est
écoulé et que c’était un bon moment, et que d’autres n’en
finissent pas de creuser chacun son sillon. On n’est jamais seul.
3/
Parmi les images, plusieurs. Prendre l'image.** Celle qui me regarde. Celle qui se pense avant même d’avoir été
choisie. Celle qui, en une seconde, se dévoile. Et dévoile quelque
chose de soi. Ou cherche à montrer, à dire ce que les mots ne
savent pas exprimer. On n’y voit rien et soudain on voit. À la
mesure d’un instant, d’un écho. La candeur de la palpitation
brutale d’un instantané.
4/ Comment cultiver sa vigilance,
vis-à-vis du monde qui va beaucoup trop vite et sur des chemins que
l’on ne peut aimer, si ce n’est par le fait de prendre le temps
du lire. Le temps d’une lecture lente et interrogative. Avec des
retours en arrière, des arrêts sur une phrase, un mot qui fait
dévier la pensée. Le temps de la profondeur. Comme devant un
paysage qui vous transporte loin.
5/ L’écriture manuscrite, que
je pratique de moins en moins, me manque. Le tracé des lettres
majuscules particulièrement que j’affectionnais d’écrire. Je me
souviens des lignes d’écriture sur les cahiers lignés de
l’enfance et l’application que je mettais à faire les pleins et
les déliés, qui n’ont plus cours aujourd’hui. Prendre le temps
de former une lettre, se tenir dans un état de fabrication d’un
mot avec la lenteur qu’il requiert.
6/ Souligner, tracer un trait
vertical dans la marge pour signifier l’importance d’un passage,
quelque chose que je souhaite relire, ne pas oublier, est une
conversation avec les livres. Ils ne sont pas sacrés, ils sont
vivants et en éternel dialogue avec la lecture que je peux en faire
à un moment donné. J’aime retrouver ces traces lorsque je les
feuillette dans un temps autre. Ils ont un surplus de vie.
7/ Il suffit parfois de pousser la
porte d’une galerie de peinture et de rester quelques instants face
à des tableaux*** qui touchent, nous ôtent les mots de la bouche,
nous font dériver imperceptiblement dans le domaine du songe le
temps de l’échange entre la toile et soi. Sans chercher à voir
vraiment, on entre dans la profondeur d’une présence où l’on se
laisse flotter, emporter dans un ailleurs de sensibilités..
* Régine Detambel « Écrire juste pour soi »
** Lu sur le blog de Karl Dubost
*** Frédéric Fau