1/ Les premiers coquelicots de l'année ont illuminé mon regard. Deux ou trois vifs et fiers sur un talus au bord de la route où la voiture roulait, je n'étais même pas sûre d'avoir bien vu. Un peu plus loin une petite touffe encore, les pétales rouges traversés par le vent. Coups de cœur. La lumière du jour dans cette espérance, dans ces taches d'émotion dont on ne sait plus rien.
2/ J'aime les terres. Les grises de granite, les blanches de calcaire, et d'autres encore ocres rouges clairs ou plus sombres. J'aime la glaise où s'enfonce le pied. J'aime les pierres qui roulent sous mon pas et la phonolite qui me renvoie une réponse. J'aime l'arène granitique qui crisse sous le talon. Les terres sont une mémoire et fertilité. Parfois je subtilise une pierre comme un cadeau à moi seule offert.
3/ Au bout de l'œil il y a ce qui veut bien s'accrocher: le faîte d'un arbre – olivier pour ce jour – , des oreillers de nuages, le bleu d'un ciel différent de mon ciel coutumier, et l'invisible du je. Derrière les lèvres, les syllabes s'emmêlent, les mots s'échappent. Les cloches d'une église toute proche donnent le temps qu'il est. Le jour a encore de bons moments devant lui. Tout va bien.
4/ Les petits évènements qui jalonnent le cours du jour, une petite fille qui cherche à attraper un pigeon, une autre qui savoure une glace, un regard dans un tableau qui vous happe — et pourquoi celui-ci au milieu des centaines de tableaux qui habillent ce musée. Des détails qui restent en mémoire, qui donnent du volume à ce qui s'est vécu, du relief, des gros plans sur un jour presque ordinaire.
5/ Une éclosion d'hirondelles comme un battement de ciel au-dessus de soi. Un envol neuf de pensées toujours en lien avec l'enfance. On ne se refait pas. Le monde ne change pas tant que cela. Fleur de sel des souvenirs. Comme ouvrir l'envers d'un chemin, un cratère de lumière: des hirondelles, des coquelicots, des résidus d'enfance. Écorçage d'une vie antérieure, de ces silences qui sinuent au sein même des infimes murmures.
6/ Des volets en bois bien fermés. Des portes de silence. Des murs enserrant l'inhabité. Des maisons hermétiquement closes. Des villages presque oubliés dans cet abandon. Des lieux traversés autrefois qui ne se ressemblent plus. Et sommes-nous des fantômes revenant hanter ce qui fut ? Et ce n'est pourtant pas si loin dans le temps.... On entendrait presque encore les conversations, les murmures. Un pan de lierre remue sur un mur.
7/ Mieux vaudrait sortir et s'abreuver aux effluves d'un printemps plein de volupté. Mais c'est le dedans qui me happe et cette nécessité de reprendre ses marques en soi. Prendre le temps des petits riens: ranger les stylos, déplacer un ou deux documents, ouvrir un livre, feuilleter une revue, prendre connaissance de messages, jeter ce qui n'a pas d'importance, écrire quelques notes. Remettre les pieds dans sa vie, dans un rythme nécessaire.
Comme tous tes mots sentent le printemps et l'éclosion d'une vie renouvelée et vieille comme le monde.
RépondreSupprimerAnge-Gabrielle