1/ Il suffit de marcher sur un chemin généreux au cœur d’une
forêt de résineux et de feuillus mêlés, de ce pas lent et
puissant pour se sentir pleinement être. Il suffit de respirer pour
que s’éparpille ce qui pèse. Ce serait comme caresser de ses
doigts le temps que l’on pensait disparu. Un amas de troncs
d’arbres sur la bordure, des cernes de croissance, des morceaux
d’écorce, de la lumière.
2/ Un
monologue permanent se poursuit en esprit. Il part, prend des chemins
de traverse, s’évanouit, renaît par une autre vision, se perd
dans le labyrinthe mental, s’étiole sur le bas-côté du chemin et
meurt dans les ornières du jour. Des idées s’égarent que l’on
voudrait bien repêcher, mais elles se sont calcinées dans un trop
plein de pensées. Porter le regard à perte de vue, écarter les
ombres, poursuivre .
3/ Il
reste au fond de soi encore un peu d’obscur. Une mélodie qui n’a
pas trouvé la partition pour se transcrire. Une aube qui ne s’est
pas levée, assombrie des brumes du monde. Un ciel de nuées sans
étoiles. Mais une fenêtre s’ouvrirait, des volets se
repousseraient, et cela parlerait une langue nouvelle pour dire, pour
révéler ce qui n’est pas encore su.. Dans le cadre quelqu’un
qui nous attend.
4/
Dans la tête, cela se bouscule : trop de projets en cours,
trop d’envies , de pistes d’écriture, d’ateliers à préparer.
Il faudrait pourvoir réaliser ses pensées dans l’instant où
elles se pensent, qu’elles s’écrivent dans leur courant même
dans un beau dossier bien rangé. Car, à rester flottantes, elles
prennent des chemins de traverse, dérivent au loin, et s’échouent
sur quelque plage abandonnée dont on oublie très vite l’existence.
5/
Dans mon atlas intérieur, il est des lieux et des noms que je garde
avec tendresse. C’est un chapelet de petits coins solitaires où
reprendre souffle, où entrevoir la vie différemment, où se sont
incarnées des pensées, des décisions. Il suffit d’en prononcer
le nom et le paysage s’ouvre, irrigué d’un flux de sensations.
C’est une cartographie de sentiments, de désirs, de douceurs et
d’imaginaire. Comme un océan de songes.
6/ Les
oiseaux m’apprennent à m’immobiliser, à me mettre dans un état
de suspension, d’interruption du geste qui était en chemin. Ils
chantent, et le temps se met en disponibilité pendant leur mélodie
dont on guette les trilles, les répons, les battements de vie. Ils
relancent une écriture après ce temps suspendu, plus fluide, plus
dense, plus aérienne. Ce qu’ils ont signifié reste inconnu, mais
le rythme, la tonalité, la vivacité…
7/
Il faut lire lentement pour laisser à chaque mot le temps
d'émettre toutes ses ondes. Laisser les échos s’élever d’entre
les lignes que l’on parcourt et rebondir entre les cordes de
l’esprit. Dénicher les éclats de vie qui sinuent sous les
phrases, bien cachés sous des métaphores, des images paisibles ou
rougies. Sentir trembler la main qui a écrit, qui a pris le temps et
la force de les abandonner.