Ils arpentent la grève, la plage, les rochers : dans le moindre fragment de pierre, il y a un monde en miniature. Les teintes, d’abord – noir d’obsidienne des affleurements aux formes lisses, souvenirs de la lave, comme recelant en noyau des réserves de chaleur, et puis cet autre noir qui n’est que surface des roches plus rugueuses, plus sèches, salissure qui s’effrite sous la morsure flamboyante du lichen. Ça semble cassant comme de la cendre mais c’est solide, teinté dans la masse, maculé de taches comme soufflées à la bouche, orange vif ou rouge anémone, poudre d’albâtre des coquillages dans les sulfures que forment, taches d’encre, les flaques qui trouent la pierre.
Alvéoles, roches gruyères reflétant chaque variation de la lumière, ménageant entre deux pans anthracite, d’un brun d’antre et de rouille, des piscines transparentes où se terrent des organismes visqueux qu’ils taquinent du bout des doigts, grottes où l’eau ruisselle, glaciale, laissant des auréoles soufrées sur leurs vêtements et sur leurs mains qui traînent – ils sautent d’un roc à l’autre, retrouvent des vieux réflexes, le corps qui se laisse aller au vide, le pied qui trouve, à la dernière seconde, la bonne prise. Les blocs rectilignes, fendus de brisures géométriques, qui s’empilent les uns sur les autres, leur sont des escaliers commodes qu’ils ne se lassent pas d’emprunter.
Hélène Gaudy " Un monde sans rivage" ( Actes sud)
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