Vision

S’asseoir et fixer le mur. Longtemps. Le même carré de mur. Rectangle plutôt. Les lignes verticales . Deux vertes serrées. Deux jaunes lointaines. Deux rouges serrées. Jaunes encore. Vieille tapisserie. L’œil se perd. Creuse un sillon. Là une empreinte. Un clou. Une punaise sans doute. La trace d’une photo. Accrochée . Mais laquelle. Chercher . Ressusciter un souvenir. Si loin. Une tâche aveugle. Chercher encore. Rester là. Fixer le mur. Un jadis là. Oublié. Enfoui loin. Ne pas bouger. L’œil sur la tapisserie. Toujours assis. Patienter pour trouver. Pas un clou, une punaise. A trois têtes. Petite photo alors. Essayer encore. Ne pas voir. Forer les trous. Avant les mots, trouver l’image. Fermer les yeux. Espérer l’épiphanie. Une carte postale peut-être. Non, la taille d’une carte postale. Un bouquet dans un vase. Des pensées. Ouvertes ou pas. Pensées du jour sombres. Pâles et le cœur noir. Comme des yeux. Oui c’est ça plein d’yeux qui fixent. Un peu de mauve, de rose. Le vase pansu avec deux anses. Marron peut-être. Non beige ou jaune sale. Ne plus savoir. Longtemps regardé pourtant. Des lignes horizontales. Trois peut-être. Le vase adossé à une cloison. Lambris, bois gris. Combien de pensées? Neuf peut-être ou sept. Un vrai bouquet serré. Un jadis de si loin. Savoir le dos de la carte. Adressée à la fillette. Si petite désormais dans le corps. Loin dans l’ombre. Pour un Joyeux Noël de ses six ou sept ans. Peint pour elle. De la main d’une vieille dame. De Marie P. De sa main qui tremble. En permanence. Sauf avec le pinceau. Un cadeau conservé à travers les ans. Marie assise dans l’alcôve. La tête n’arrête pas de hocher de gauche à droite. De droite à gauche. En mouvement toujours et encore. Tout son corps. Elle fait de l’aquarelle. La fillette sans bouger, fascinée. Noir. Plus rien. Disparue. L’image, les mots, plus rien. Fixer le mur. Les lignes verticales. Vertes, jaunes, rouges. Du jadis dans la tête. Des ombres. Elles disparaissent. Reste l’œil noir.