dimanche 20 avril 2025

Journal d'un écrivain/ 8

 

Lendemain de Noël 1929 ( Rodmell)

Je trouve qu'une quinzaine de solitude est incroyablement reposante, et que c'est un luxe presque impossible à s'offrir. Nous avons impitoyablement repoussé toutes visites. « Cette fois-ci, nous serons seuls! » avions-nous décidé, et réellement, je commence à y croire. Et puis Annie est très compréhensive. Mon pain cuit bien. Tout serait plutôt enivrant, simple, coulant, efficace, n'étaient mes tâtonnements autour des Vagues. Après beaucoup d'efforts, j'écris deux pages totalement ineptes. J'écris des variantes pour chaque phrase; je fais des compromis, je lance des balles perdues, je tâtonne, et mon manuscrit finit par ressembler à un rêve de fou. Puis je me dis qu'une seconde lecture me donnera de l'inspiration et je rends au texte un peu de sens commun. Mais cela ne me satisfait pas. Je trouve qu'il y manque quelque chose. Je ne fais aucune concession. Je me concentre sur le noyau. Cela m'est égal si tout est raturé. Et je crois qu'il y a quelque chose là. Je suis tentée maintenant par de plus grandes audaces: par Londres; les conversations. Une voie frayée plus impitoyablement. S'il n'en sort rien, j'aurai du moins envisagé les possibilités. Mais j'aurai voulu y prendre plus de plaisir. Cela ne me trotte pas dans la tête toute la journée comme La Promenade au phare ou Orlando.

Virginia Woolf "Journal d'un écrivain " traduction Germaine Beaumont

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