mardi 22 avril 2025

Ricochets/ Année 2/ Semaine/ 16

 


1/ Escarpé, obscur empli de gouffres, de grottes, de ravins, de zones d'ombre, un territoire inaccessible où seul l'esprit peut se rendre, avec cette part d'incertitude irriguant tout retour dans le passé. Un objet, une odeur, un paysage, une mélodie ressuscite l'enfant que l'on a été, et que, le temps de quelques secondes, on croit le redevenir. On effracte un silence plein de l'épaisseur et de la poussière des années écoulées.

2/ Un ciel sans rien d'autre qu'une épaisseur grise. Faire avec. Ce gris-là et tous les autres accumulés en soi et autour. Et tout se qui se disloque. Oser un pas dans cet éboulis plein d'étrangeté. Cela ricoche dans ce trop plein. Cela se fracture, se blesse. Cela étincelle dans un espace qui s'élargit, prend de l'ampleur. Les étincelles s'éloignent portées par le souffle des mots jusqu'au ras bord du ciel.

3/ Cependant être là, porte bien close sur la pluie et le froid. Ciel de poussière et de rugosité ne laissant nulle solution. Le chemin sera intérieur. Il y a suffisamment de livres autour pour ne pas être en manque d'aventure vers l'autre qui est un petit peu soi. C'est le livre porteur de paroles qui emportera vers un ailleurs. Tout est possible entre mes quatre murs. Et rien n'est perdu.

4/ L'instant décisif à saisir dans le viseur de l'appareil photo. L'éventualité d'une image prise dans le réel. Le dynamisme que peut donner une photo à un petit bout de pas grand choses qui a été capté par un œil attentif. Vision d'un monde en un instantané. Photo réussie ou non, peu importe. Un temps d'arrêt pris face à une vision: choix, éliminer, garder, interpréter. Manière d'être, de prendre la parole.

5/ La sensation de n'exister que par fragments. Des copeaux d'être amoncelés des brisures de soi, quelques fils esseulés et des flaques d'ombre, des pans d'oubli. Impossible de tout assembler. Certaines facettes sont données à voir. D'autres restent hermétiquement scellées. On n'est jamais un. Alors, tout autour de soi, on entasse des livres, des pierres, des images, des objets de pacotille, des mots sans importance qui s'élèvent comme des cerfs-volants.

6/ Un silence épaissi par les oliviers qui cernent cette maison de vacances que je découvre. Adapter le regard aux nouveaux paysages et profiter de ce temps suspendu. Laisser mes pas rôder sur des sentiers inconnus, goûter à ce plaisir étrange de se déprendre de tout. Ne pas interrompre le glissement des idées qui ricochent sans raison, ainsi que le va-et-vient du souffle. Et la carapace humaine oubliée sur le bas-côté.

7/ Par le chas des accrocs, un doigt, un regard, une pensée s'engouffre. Jusqu'au rez du songe d'où un silence sort. Puis des mots souffreteux. Qu’importe ce qui va demeurer. C'est peut-être ça, écrire. Ou faire semblant. Une goutte de sang, un peu d'encre à déposer sur une page blanche. A capella d'une errance mentale, comme semer des cailloux sur un sentier perdu dans la forêt. Illusion qui aide à vivre.



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