1/ Cette petite pointe de détresse qui se lève sous la lumière du matin et va diffuser tout au long de la journée des accords de tristesse. Passer le jour comme on passe dans un tunnel, sachant qu'à l'autre extrémité la lumière brillera à nouveau. La main se fait hésitante sur les gestes à accomplir, le visage plus ridé que d'ordinaire, les soupirs plus longs. Il y a toujours un lendemain.
2/ Ce serait comme avoir un jumeau qui vit au fond de soi. Nous sommes double pour être soi. Vieillissante je me tourne davantage vers l'autre muet dans les tréfonds. Je prends le temps de l'écoute de ce qu'il ressent. Des bribes de dialogues se font jour entre nous deux. Un chant venu de loin se laisse murmurer. Des ailes me poussent sur les épaules, me portant vers les jours à venir.
3/ Comment définir les contours d'une journée sortant des ornières ordinaires...C'est plein d'imprécisions, avec des nuances de couleurs qui jaillissent çà et là: le trajet en voiture, les conversations qui se délivrent, les petites informations que l'on glisse de soi, la marche sur un chemin inconnu et le bien-être de se trouver dans une belle forêt où tout se répercute, les chants des oiseaux, les trouées de soleil à travers nous.
4/ La tête pointue du sapin, planté il y a plus de trente ans, se dérobe à mes yeux dans le rectangle de ma fenêtre. Sous la caresse des oiseaux et du vent, quelques branches dansent, mais je ne sais rien des murmures qui s'y réfugient, ni de la vie qu'il recèle. Il fait partie du décor proche de mon existence sans que je prenne ni soin ni souci de lui.
5/ Avec des restes de souvenirs qui s’amenuisent, on ira jusqu’au bout. Il reste des rêves à réaliser, des connaissances nouvelles à acquérir, des lieux inconnus à explorer, de nouvelles rencontres à faire. Le désir de vivre se revêt de formes inconnues. Des fragments de soi sont encore en formation, non encore créés, non encore imaginés. Laissons-nous cueillir par l’aube des lendemains à venir, attisée par une braise vive et colorée.
6/ Avec aux yeux des visions d’avenir qui surgissent de nulle part et découvrent une aube où marcher pieds nus jusqu’au seuil du jour. La poésie nous greffe des ailes d’ombres sur les épaules nous tirant vers l’arrière, vers un passé qui s’éteint lentement sur le bas-côté du chemin. Nous nous rêvions architecte de nos vies mais il faut bâtir avec les particules qui nous constituent et rester dans la modestie.
7/ Fait-on autre chose que creuser encore plus loin le territoire des mémoires. Découvrir de petites fioles en terre cuite, nommées les lacrymatoires où des larmes de proches d’un défunt étaient censées être renfermées et déposées dans les tombes. Larmes ou parfum on ne sait plus, mais c’est le geste et la pensée qui importent. Ces graines de mémoire conservent en elles une force qui nous dépasse. Creuser pour exister davantage.
La photo a été prise lors d'une visite à l'exposition "Creuser la terre #2" de Florence Bruyas : ce sont des lacrymatoires créés par la plasticienne.
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