J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 16 juin 2025

Ricochets / Année 2 / Semaine 24

 


1/ Des étincelles de soleil sur les chemins creux des paysages d’enfance. Des paroles se perdent, s’évaporent entre les troncs de ces arbres qui espèrent un regard, un peu d’attention pour l’équilibre et l’émotion qu’ils procurent à tout promeneur égaré sur ces sentes. Dans la tête les pensées se rangent, s’apaisent comme des morceaux de puzzle s’assemblent quand il est nécessaire. La suite des jours est incertaine mais tout va bien.

2/ Au large des flots d’arbres sur la crête des collines. Les yeux gravent dessus des images floues qui se déplient comme les voiles d’un bateau, vaguement agitées par une brise de sérénité. Des visions d’enfance remontent à la surface de la mémoire. Ici, dans cette maison, des sacs de souvenirs se dégorgent, s’étendent comme des draps sur un pré au soleil, et les poussières de mots se posent délicatement dessus.

3/ Sous un ciel cendré, coloré par un vent venant d’outre-atlantique, arpenter toujours les mêmes chemins qui apportent une sorte de sérénité. À l’heure habituelle de l’écriture, marcher car plus tard la chaleur sera plus forte, marcher, traverser les forêts où se faufile un animal qui ne se laissera pas voir, progresser selon un itinéraire habituel, longer un champ de blé dont on ne voit que les bleuets, traverser le cimetière.

4/ La rêverie, dans un état de veille alanguie, quand le réel se brouille et que tout est possible, se déforme, se transforme, la rêverie donc, se nourrit de sensations, de visions. Des couleurs aux teintes d’aquarelle, des formes épurées ou qui sont indistinctes, comme une peinture impressionniste : un ciel si pâle où dansent des esquisses d’arbres, des silhouettes floues, un univers où rôdent les fantômes sans faire de bruit.

5/ Certains griffent ou creusent la terre avec pelle, râteau, piochon ou à même les mains. D’autres s’escriment à creuser la langue jusqu’à effleurer ses os, dans la douleur ou l’hébétude, jusqu’aux confins d’un monde dépouillé de ses hardes. Cela brûle comme en un creuset d’où s’élève une incandescence d’échos qui jaillissent en tous sens, virevoltant sur la page, dont on cueille quelques bribes, étonné de ce qui vient de surgir.

6/ La voix de Virginia Woolf datant de 1937, diffusée lors d’une émission de radio consacrée à Mrs Dalloway, me rejoint. J’aime son timbre, son phrasé, même si je ne peux comprendre directement ce qu’elle dit. Je visualise sa voix d’une manière picturale, qui s’écoule un peu comme une rivière avec de légères ondulations, des courbes, des inflexions, de la douceur derrière un flux assuré qui ne peut qu’aller de l’avant.

7/ Quand l’inoubliable commence à s’oublier. Ou bien se tient à une telle distance que les souvenirs qui se dressaient avec fermeté, semblent doucement s’allonger sur le sol et même s’enfoncer peu à peu dans la terre, se faisant humus, jusqu’à disparaître de la vue. Résidus de soi qui préfigurent que ce qui faisait corps n’en a plus pour très longtemps à errer par les chemins de pierre sur cette terre.

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