J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 6 mai 2025

Ricochets/ Année 2 / Semaine 18

 


1/ L'escarpement du jour. Les pieds encore bien posés sur le socle de la terre. En avant de soi continuer le chemin. Pierres immobiles. Le pas ne s'est pas approché. Et si le souffle venait à manquer. Il y a comme un mur devant. Envie de se tenir dans cet écart. Ne pas avancer. Rester dans la marge du jour. Hors de la main. Laisser place à un peu de soi.

2/ Le bourgeonnement du doute s'insinue sur le bas-côté des chemins. Il jaillit dans un creux, se colore de tonalités variées, s'agite sous la brise matinale. Comme des grains de soleil semés ça et là par une main espiègle. On n'oublie pas ce que l'on voit. On avance sur du sable mouvant où chaque pas est une question. On avance, malgré. On ne peut être que ce que l'on est .

3/ Cette impression durable de marcher à côté de soi. Une concentration difficile. L'envie de demeurer à l'intérieur des quatre murs de la maison. Se tenir derrière le rideau de feuilles des bouleaux et des buissons denses du jardin. Derrière une géométrie mouvante de branches traçant des diagonales de vert jusqu'au bleu du ciel. Dans ma petite boîte noire. Parcourir un atlas intérieur, une cartographie de linéaments souterrains. Et rien d'autre.

4/ Jour d'éclat. Même les échardes éclairent. Dans les interstices de l'air. Traduire ce qui dehors agite le dedans. Le ventre blanc de l'hirondelle, la complainte du merle, la touffeur du lilas. Et le vent dans la langue à contre-sens. L'air qui se bloque soudain, fait un arrêt sur image. Le sable entre les doigts s'écoule. Mais de château point. Et le travers des mots que les yeux écorchent sans savoir.

5/ Pour faire d'une journée banale une journée réussie, il faut une belle lumière, un lilas en fusion, un ciel drainé de bleu, parcouru de petits nuages, quelques chants d'oiseaux mélodieux, de l'eau fraîche, quelques carrés de chocolat, marcher sur des chemins aimés ouvrant sur le beaux paysages, une petite brise qui caresse la joue, quelques amis avec qui échanger, évoquer nos souvenirs dans nos mots qui palpitent comme une joie.

6/ Se tenir sur une crête. On ne peut y rester. Se tapir entre les pétales d'une fleur, dans une grappe de lilas pourpre. S'enivrer, se cacher, se perdre pourquoi pas. Savourer la solitude veloutée, à son insu. Il faudra se consoler de leur absence. Rien ne dure. Reprendre l'errance ensuite, le souvenir des instants embaumés caché dans les boucles des cheveux et qui s'agitent au bout des doigts, se posent.

7/ Vivre par à-coups. Ne jamais savoir de quoi sera fait le lendemain. Envol brusque ou arrêt au-dessus du vide. Des pensées traversent, s'installent, résident dont on n'est pas maître. L'équilibre est une chose difficile à réaliser. Il y a toujours un soi à l'arrière de soi, bien dissimulé sous ses voiles, qui se répand en murmures. Accrocher le regard aux sentinelles qui balisent le chemin. Heureusement les livres sont là.

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