Quatre maisons fleuries d’orchis jusque sous les tuiles émergent de blés drus et hauts.
C’est entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras.
Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers. Les avettes dansent autour des bouleaux gluants de sève douce.
Le surplus d’une fontaine chante en deux sources. Elles tombent du roc et le vent les éparpille. Elles pantèlent sous l’herbe, puis s’unissent et coulent ensemble sur un lit de jonc.
Le vent bourdonne dans les platanes.
Ce sont les Bastides Blanches.
Un débris de hameau, à mi-chemin entre la plaine où ronfle la vie tumultueuse des batteuses à vapeur et le grand désert lavandier, le pays du vent, à l’ombre froide des monts de Lure.
La terre du vent.
La terre aussi de la sauvagine : la couleuvre émerge de la touffe d’aspic, l’esquirol, à l’abri de sa queue en panache, court, un gland dans la main ; la belette darde son museau dans le vent ; une goutte de sang brille au bout de sa moustache ; le renard lit dans l’herbe l’itinéraire des perdrix.
La laie gronde sous les genévriers ; les sangliots, la bouche pleine de lait, pointent l’oreille vers les grands arbres qui gesticulent.
Puis le vent dépasse les arbres, le silence apaise les feuillages, du museau grognon ils cherchent les tétines.
Jean Giono "Colline"
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