J'ai pensé au texte qui peut-être suivrait mon voyage. Il m'a semblé que les mots n'auraient plus l'aura que je leur avais prêtée jusqu'alors. Je me suis senti acculé, on m'a poussé dans une ombre dure et sourde. Il y eut aussi une joie sans brillance, sans espoir. Comme si un orage cessait de raviner mon esprit. Et que l'argile absorbée dans l'or de la lumière veillait l'ennemi. Comme si plus aucune pensée n'était possible. Et que seul mon corps avait à dire les termes d'une histoire qui ne soit pas du semblant. J'ai regardé ma main en effet, celle qui ne tenait pas l'appareil photo, et je me suis écrié en silence tant cet organe m'est apparu beau comme un joug ancien. Au loin j'ai vu passer le lourd animal de l'écrire. J'ai pleuré vers ce crépuscule d'une présence. J'allais oui vers l'origine, c'est-à-dire, j'allais à demain. Dans l'ardeur de ma peau s'est déchirée la neige et les noms des morts ont tremblé.
Julien Boutonnier " Ma mère est lamentable" ( Publie.net)
Une lecture bouleversante de ce livre faite par l'auteur ici
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