J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 30 mai 2023

Jalousie des jours/ semaine 55/ année 2

 

lundi 22 mai                                                          

promenade errante

dans des allées d’un cimetière

perdre le sens de l’orientation

à force de serpenter entre des tombes

dont on ne sait rien et ce silence

qui nous défait et nous retrouve

et puis l’orage clair et net

mardi 23 mai

ici maintenant

ou ailleurs et autrefois

ne plus savoir où est le réel

dans quel songe creux

on se retrouve à errer

au milieu des questions

toujours les mêmes

mercredi 24 mai

grotte intérieure

où descendre et observer

prendre le temps

et découvrir peut-être

quelque chose de soi

que l’on ne savait pas

et qui fait avancer

jeudi 25 mai

c’est là

et on ne le savait pas

prendre le temps de creuser

on est plein de ressources

beaucoup plus que l’on imaginait

et passer le jour en se disant

j’ai fait tout ça aujourd’hui

vendredi 26 mai

concentration précision

dans les gestes de l’enfant

qui manie de petits ciseaux

découpe de petites bandes colorées

les colle avec application

puis de manière vive se lève

et part en riant

samedi 27 mai

mur enlierré

du jardin de l’enfance

dont je souhaite voir

à nouveau les pierres

alors il reste à empoigner

tirer et arracher ce qui encombre

moisson du jour

dimanche 28 mai

en marge

dans la fatigue du corps

qu’il faut laisser se vivre

aller à petits pas

et moins loin que prévu

et regarder la terre retournée

dans l’attente d’une renaissance

dimanche 28 mai 2023

atteindre quelque chose

 

le sillon que je creuse

dans les cendres de l’orage

des mots de rien

cherchant le paradis

ou juste l'instant présent 

 

vendredi 26 mai 2023

Quatrain/ 112

 


accompagner l’instant

d’une phrase sur la page blanche

ne pas voir où cela conduit

comme un tracé sur peau douce

mercredi 24 mai 2023

Jalousie des jours/ semaine 54/ année 2

 

lundi 15 mai                                            

samares amassées

sur le bitume

c’est le fruit du vent

de sa force et détermination

ailes encore vertes échouées

que l’érable a laissé s’envoler

sur qui je lève les yeux

mardi 16 mai

errance coutumière

entre les rayons de bibliothèques

se saisir d’un livre

se dire oui pourquoi pas

on ne risque rien à emprunter

et chercher le passage

qui va vous emporter

mercredi 17 mai

ici maintenant

avec des rides et des cheveux blancs

mais une pensée toujours vive

contempler ce monde

que l’on n’aura pas sauvé

et qui perd de ses valeurs

faire avec

jeudi 18 mai

campagne traversée

talus de coquelicots

mais aussi de bleuets

dont j’aurais bien fait un bouquet

mais on roule et seul le regard

fait sa cueillette

et se colore de rouge et de bleu

vendredi 19 mai

exercice silencieux

que l’écriture tentant

une résonance avec une vision

dans cet au-delà d’un sens

à donner à ce qui se trace

sous les mots

la traversée d’une présence

samedi 20 mai

pénombre incertaine

où trouver une sorte de paix

ou de doute c’est selon

quelque chose bouge encore

sans savoir ce que c’est

on ne cherche rien

on attend juste

dimanche 21 mai

balade inconnue

ou bien oubliée

dans les tréfonds de la mémoire

chemin en surplomb qui domine

de chaque côté des vallées

marcher monter descendre

les pensées s’apaisent



lundi 22 mai 2023

dans l'ombre

 

langues de sable

à l'âpreté de l'écorce

fragments de rêve

dont le souffle inspire

il y a des trop qu'on raconte pas

samedi 20 mai 2023

Journal d'un contemplateur

Nous devrions préserver la beauté de nos phrases de toute lourdeur pathétique, ne pas les encombrer par trop de ce qui pèse dans nos cœurs, de sentiments hâtifs, d’absence de pudeur. Nous devrions avancer léger, tendu, attentif, dégagé de tout sentimentalisme qui ternit souvent ce qu’il recouvre, rendant caduque toute bienveillance, réduisant à néant l’innocence poussant comme un brin d’herbe sauvage sur le seuil de nos maisons. Ainsi que dirions-nous de la beauté d’une rose ? Cette beauté n’impose-t-elle pas le silence, et les mots qui sauraient la dire, la chanter, existent-ils vraiment ?

 Joël Vernet " Journal d'un contemplateur" ( Fata Morgana 2023)

jeudi 18 mai 2023

Quatrain/ 111

près de l’eau

impression de sortir d’un rêve

dans un œillet de ciels

ta voix dans ma voix

mardi 16 mai 2023

Jalousie des jours/ semaine 53/ année 2

 

lundi 8 mai                                                      

traces sauvées

par des mots offerts

au creux de la jalousie d’un jour

éphémères instants du fil d’une vie

spirales d’un ici ou d’un ailleurs

flottant entre deux pensées

fragiles fragments

mardi 9 mai

impossible d’anticiper

les pensées du jour

et pourtant vouloir

les diriger en être maître

mais le bruit des voix

une langue autre

et à nouveau l’inconnu

mercredi 10 mai

sifflements incessants

ou ressentis ainsi

des sons dénués de sens

et qui sinuent en soi

essayer de glisser

loin d’eux pour un moment

trouver une résonance ailleurs

jeudi 11 mai

ambiance chaleureuse

un décor de bois et de pierres

tout est feutré

et le repas délicieux

de petites bougies ici et là

des glissements de silence

une pause bienvenue

vendredi 12 mai

chagrin enfantin

qu’on ne comprend pas

vraies larmes à étancher

on voudrait tout aplanir

sous les pas de l’enfant

on tente de consoler

afin de retrouver un sourire

samedi 13 mai

foule affairée

dont j’ai perdu l’habitude

il faut sinuer entre les silhouettes

difficile même de flâner

car trop de mouvement et de bruit

se sentir de plus en plus sauvage

et éloignée de ce monde

dimanche 14 mai

fragment traduit

avec difficulté car les mots

me sont vraiment étrangers

mais aller au bout du travail

entrer dans cette langue

faire tressauter la mienne

puis laisser se retirer la vague



dimanche 14 mai 2023

Choses qu’il faut faire sans trop savoir pourquoi

 

( le ciel est clair et le froid de décembre s’est ancré)

poser l’esprit au-dehors — derrière la vitre — où survit le jardin — le ciel les arbres la bruyère — toujours dans cet ordre — les mésanges parfois — puis un livre dans le hasard des pages — ces jours-ci Du Bouchet ou Émaz — lire sans lire — d’un esprit flottant — d’un pas l’autre — sans trop voir — puis deux ou trois mots font socle — et se mettent à lancer l’écho — le livre se referme — tenir le fil de ce qui pourrait naître — après l’index sur de petits cristaux les doigts sur le clavier — comme un chemin — 

 ici un fragment de Carnet écrit dans le cadre de l'atelier suivi sur le site Tiers-Livre de François Bon à l'automne 2022 et toujours l'écriture des Carnets au quotidien à retrouver sur mon autre blog:  aux marges du jardin

 


vendredi 12 mai 2023

ces petits riens

 

assise au bord du monde

des vagues de mémoire 

des instants détachés


je me faufile à l’intérieur

où tout reste à écrire

mercredi 10 mai 2023

Jalousie des jours/ semaine 52

 Voilà une année que j'écris ces Jalousies chaque jour et que je les dépose sur ce blog une fois par semaine. C'est une écriture rapide avec sept contraintes correspondant aux 7 jours de la semaine: pas de majuscule, pas de ponctuation, 7 vers, date du jour, deux mots dans le premier vers, parution d'une semaine d'un coup, évoquer ce qui filtre du jour (comme au travers d'une jalousie). La forme s'est imposée dans le premier texte écrit et je l'ai conservée tout au long de l'écriture. Une photo est venue assez vite faire écho. C'est quelque chose de fluide, rapide qui convient à ces textes qui tentent de saisir quelque chose d'infime du jour que je note sans trop y croire… Et j’ai bien envie de poursuivre l’aventure...

lundi 1 mai                                   

dos pincé

douleur revenue que l’on

pensait oubliée

marcher avec lenteur

se voir petite vieille

pester contre soi

apprendre la patience

mardi 2 mai

immersion bleue

où brûle de la lumière

un souffle clair

dans un calme

et un silence tellement immense

à ne plus savoir où on est

à la sortie de l’expo

mercredi 3 mai

incertitude saine

doute et désordre en tête

quête d’un mur où apposer le dos

quelque temps et

laisser se décanter les pensées

dans la mobilité de l’air

et le balancement des branches

jeudi 4 mai

marche paisible

sur ces sentiers nécessaires

où traverser des lieux d’arbres

de pierres de chants d’oiseaux

et d’ombres sans équivoque

marcher penser parler

et se frotter au paysage

vendredi 5 mai

jardin envahi

comme hors de lui

au-dessus le ciel se décante

on attend la venue du bleu

et l’on suit le vol large

d’une tourterelle qui traverse

en une belle calligraphie

samedi 6 mai

paroles recueillies

un poudroiement de bleus

dans ce bourgeonnement de l’instant

des visages passent

une intensité de vie se dit

dans la simplicité

dehors un peu de vent

dimanche 7 mai

vigoureux tenace

le désir du phare intérieur

à atteindre à retrouver

puis à nourrir

d’une attention permanente

dans l’intelligence de ce qui

se vit en soi



lundi 8 mai 2023

Derrière le bleu/4

 


À la charnière du bleu et de ce qu’on pourrait nommer arrière-pays, de petites pensées passagères, de celles qui se glissent dans les songes, un peu secrètes, un peu languissantes, légèrement folles, résistantes à la bienséance, qui ne courbent pas le dos, mais s’évadent et traversent les vitres brisées de ce qui doit être, qui secouent la poussière, et déchirent les ombres tutélaires. Écarter les parois de cet interstice qui se fait jour, laisser saillir les petites lumières qui sautillent, qui illuminent les recoins sombres par de petits éclairs offerts, qui donne vie à cet espace de peu, car c’est à peine s’il existe vraiment, cet encart des possibles où l’on tâtonne à l’aveugle, qui taraude lorsqu’on l’a découvert, qui appelle à rejoindre ses rives étroites. Derrière le bleu, mais pas encore dans la grisaille, un tout petit domaine, une maison de poupée, peut-être même un lieu d’illusions, c’est là que règne un double étincellement, d’un réel un peu déformé et d’une présence à un soi en apparition, dont on n’a pas toutes les clés pour le comprendre et qui peut s’effondrer à tout moment ou s’épanouir en puissance. Dans cette brèche, on ne se raconte pas d’histoire, on se tient juste à disposition, dans ce paysage indécis, celui de la rêverie, du songe, peut-être même d’une certaine mélancolie, celle qui permet de voguer sur une eau dense et qui propage d’onde en onde des frémissements d’images dans des tons de l’azur, les doigts dans des divagations à la charnière du bleu.

samedi 6 mai 2023

Marcher est ma plus belle façon de vivre

On croit souvent que les livres tombent du ciel ou qu’ils sont le fruit d’un labeur incessant. À mes yeux, ces deux méthodes, aussi fondées soient-elles, sont inaptes à témoigner de l’aventure. Nous avons besoin d’un bien curieux mélange, celui de la première phrase, de la grâce du ciel et de la terre et de l’ardeur des mains, sans omettre l’acuité du regard et celle des deux oreilles. Oui, sans rire, écrire est un travail à plein temps qui ne nous occupe que quelques heures durant la vie.

Joël Vernet " Marcher est ma plus belle façon de vivre" ( La Rumeur libre 2021)

 

jeudi 4 mai 2023

mardi 2 mai 2023

Jalousie des jours/ semaine 51

lundi 24 avril

par intermittence                                             

des trouées dans les collines

des pensées vagabondes

des bulles de lumières

le songe d’un autre lieu

plus vaste plus dense

peut-être l’ultime

mardi 25 avril

partir marcher

grimper sur la colline

qui surplombe la ville

voir la vie autrement

et vider les arcanes de tête

avec un peu d’air

pour irriguer

mercredi 26 avril

sans savoir

mais aller malgré tout

dans les rues marcher

regarder mais ne rien voir

mettre un pas devant l’autre

et tourner à quelque carrefour

sans rien penser

jeudi 27 avril

sous l’ouate

du défilé des jours

des soubresauts de pensées

des images étranges

qui traversent sans bruit

des rais de lumières

entre les branches des bouleaux

vendredi 28 avril

dedans dehors

en harmonie tranquille

douceur du temps

mots pacifiés sur la feuille

prendre le temps

de goûter cela

avant le retour d’un désaccord

samedi 29 avril

pensées moissonnées

au lent rythme des pas

elles naissent et disparaissent

aigrettes des pissenlits sur

lesquelles on souffle

et tout est disséminé

il ne reste rien

dimanche 30 avril

comme si

quelque chose grandissait

là dans la pénombre

comme si

des images des silhouettes

suspendues à la vie

au bord de l’apparition