J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

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mardi 2 février 2021

embellie

 


 Elle pérégrine sous l’embellie.

Nimbée d’une mélancolique tranquillité. Feinte indifférence. Aux marges d’un paysage, au secret d’une sente. Dans le bruissement du silence, s’esquisse cet imperceptible qu’elle reconnait parmi toutes les fables de vaine infinitude.

Ailleurs le monde tremble, se fragmente sous les coups, s’étiole au lieu de s’étoiler, s’amenuise, dérive sur ses cendres.

Dans cette vasque de vie retranchée, elle laisse s’entrebâiller les silences pour entendre les voix qui s’en échappent nues.

De cette densité du lieu elle s’illumine. Les entours d’un possible se dessinent. Comme pétales d’un songe empli d’hébétude. C’est une manière d’éclipse du temps, rien qu’un retrait du monde, une échappée de fortune dans d’étranges rubans d’arbres.

Entre les ombres et la blancheur neigeuse – tout ce blanc à songer – s’élève vers la béance d’un ciel ce qui bruit, palpite, se murmure aux tempes. Et les pensées portées vers l’abîme.

Sous l’embellie, d’un pas serein.

 

lundi 11 janvier 2021

incertitude

 


Elle voudrait bien repenser bleu.

Et endosser les riens d’un jour tout ordinaire. Au sein des choses. Avec, entre les doigts, le désir d’un printemps. Le désir d’un rire , d’un rayon de lumière qu’elle serrerait comme Nils Holgersson les bras autour d’un cou duveteux.

Alors il faut creuser un étroit tunnel entre les rayons sombres du jour qui peinent à se revêtir de lumière.

Elle attend que s’allument de petites touffes lumineuses où se raccrocher : un feuillage qui tremble, une mésange sur une branche…

Une effusion de mots qu’elle triturerait. Une large bouffée d’oxygène. Où se laisser porter, dériver dans la vague. Jusqu’à ne plus savoir, et se perdre dans une prose toute méditative, où se bercer encore un peu d’illusions.

En équilibre sur un pied, à laisser venir ce qui doit, à apprendre la patience, et se laisser traverser par l’invisible. Une vision de grise incertitude.

L'ébriété d'un penser bleu.



mardi 22 décembre 2020

Palimpseste


 

Elle comme dans un palimpseste.

À laisser émerger des écritures cachées. Avec délicatesse. Une quête éperdue dans une échancrure. Dans la densité des silences , l’éclat du scalpel d’ombre, elle boit à cet ourlet de sons jaillissant du laminoir des eaux.

Semblables à des lichens accrochés sur la pierre, ces lambeaux esseulés dans un miroitement épousent ses interstices.

Dans cet halo d’intrigante lumière, elle vagabonde et se perd , sans cesse à la recherche d’une modeste épiphanie.

Elle vacille, creuse un sillon, puis un autre: vertige. Et les strates de temps qui s’emmêlent. Lentement une sourde clarté se délivre. On se croirait au seuil de l’efflorescence d’un paysage intérieur enfin mis à jour où battent des systoles de bleu.

Écouter alors cette respiration dans ce dédale de sensations, se saisir de ces lueurs, de ces spasmes de songes, et rêver. Et arpenter ces chemins de promesses.

Humectée d’une clarté d’ombres.



lundi 23 novembre 2020

Sésame

 


 Elle, dans ce qui ne cesse ou tremble.

D’où ressurgissent le rêve , le retour à l’enfance. Les premières essences. Le parfum de la terre et les mots de piment. Sésame d’un jour nouveau entre les doigts, elle se laisse emporter par le tourbillon des pensées, leur mouvement infini.

Tout cet espace flou de fécondités intérieures où l’on dirait un rêve, au décor et aux mots qui drapent les pensées.

Dans ce grésillement, elle distingue comme un hublot, un oeil d’où sortent les fils d’une histoire, les filaments d’un intérieur.

Cela gémit en elle et cela s’incruste. Sinueux en un dedans de soie. Une brume de temps, évanescente, fluide. Soudain des mots s’avancent surgissant d’un même souffle, d’une même épopée, dorés ou de noirceur, ils se posent, impatients.

Gorgés de tendresse un peu dissimulée, de réminiscences d’enfance, de curieuse hébétude, scintillants, ils s’affirment pour dire. Soucieux de peindre un tableau intérieur.

En un état de musement .

lundi 9 novembre 2020

entre-feuilles


 

Elle, dans l’entre-feuilles de l’automne.

Prête à écarteler les nervures de lumière. Jusqu’au sacrilège. Une traversée des mondes que des parfums déflorent. Les paupières baissées, entre les souvenirs brûlants qui se faufilent et murmurent, elle devient fluide comme la fin d’une douleur.

Le craquement des pas sur les feuilles mortes réveille ce qui semblait dormir, toutes ces voix oubliées, si loin soufflées.

Elle marche dans une étrange léthargie où s’échangent des clins d’œil d’ombres et de lumières, des sourires sans lèvres, des petits riens.

Elle se dit : une manière de s’inscrire dans le temps. Et se laisser surprendre à la marge. Une fragilité où l’essentiel s’épaissit. Au seuil du regard s’imprégner de cet imprévisible , le regarder à mains ouvertes et glisser de vision en vision.

On aborde des rivages dont on n’a pas les mots, on se laisse porter, emporter, dans une limpidité d’abandon, au bout de soi-même. Sans se cogner à ses contours tranchants.

Et quelque chose s’élève en soi.



mercredi 14 octobre 2020

Nouée


 

Elle, nouée dans son écheveau.

À rêver sous la chevauchée de la lumière. Les poings bien serrés. A laisser sommeiller tout ce qui fait douleur. Bien chiffonné avec les silences, tout ce qu’elle ne peut débrouiller, et qui continue de s’ennouer se faisant garrot.

Au jour qui vient, se cacher sous la sangle des phrases, de part et d’autre de soi, espérer le clair saignement de mots.

Au cœur de ce qui continue de virevolter dans le monde et de peser, elle se laisse enserrer jusqu’à l’étranglement.

Ébréchée dans cette nuit sans étoile, elle gratte. À faire saigner la peau de ses doigts. Mais à chercher encore un visage de joie. Dans ces éboulis de marne où cela glisse, les cendres se mêlent aux pierres qui se lovent dans la paume comme une main pour guider.

Au temps des ombres où macèrent les images d’enfance, ce temps si lointain que la mémoire n’en finit pas de raviver, se désensabler. L’horizon se rapproche, tenir debout.

Et la main d’un enfant peut-être.

dimanche 27 septembre 2020

jardin

 


Elle, en un matin de septembre.

Quand la lumière qui tranche touche l’éclat déchiré. Ce rien qu’on effleure. Où traînent les voix d’avant et les rires d’enfants. Elle, à ne plus savoir quel instant d’éternité saisir, quelle soie rouler autour de ses doigts, à quelle étreinte s’enlacer.

La rosée sur la peau, cette caresse d’herbe à chaque pas qui ramène aux années de l’enfance en un bouquet de larmes.

Dans ce jardin du matin, ceinte de cette douceur, elle ouvre grand les yeux sur un ailleurs baigné d’une sorte de bleu.

Elle écoute les oiseaux cachés dans le feuillage. Et les mots des anges évanouis. À l’envers des paupières, ils se murmurent en pluie. Insaisissables, empesés d’une douce saveur d’aube, au bord de l’envol, comme une ombre sous le vent, ils parlent pour l’absente.

Le jardin n’est plus tout à fait le même, il est tissé d’échos nouveaux, de traces de ce jour lorsque les cendres l’ont rejoint sous le lilas. Une patience d’ombre en ce berceau.

Le silence racle un peu le bleu.



 

dimanche 30 août 2020

parois

 
Elle, entre les parois, serrée.
Les tempes jusqu’au chagrin, comme une rivière. A fleur de mémoire. Avec des éclairs de vies surgis des souvenirs. Une ouverture se crée où elle s’engouffre, comme si elle s’installait sur le dos d’un oiseau, en un équilibre fragile.
Mais tout autour les murs se répondent ne donnant à voir que des leurres de lumière et des instants qui tremblent, une dérive.
Au travers de la peau naissent les ombres dont elle sait les épaisseurs, et la langue qu’elles soufflent de brouillard et de silence.
Ce murmure qui hante, interminable écho. Elle sent ses lèvres de salpêtre. A l’aplomb des parois, les mots hésitent encore. Ils cherchent dans les creux la manne désirée, quelques bribes d’un temps où les regards riaient, quelques peaux sans un chagrin.
Peut-être faut-il juste attendre, entre les odeurs sucrées des prunes écrasées sur le sol et l’enivrement des guêpes, que les heures s’écoulent. Déjà la lune monte dans le ciel.
Et se sent la soie d’infini.


vendredi 14 août 2020

Monologue

 

Elle, blottie près des épilobes.
Absorbant les couleurs, du pourpre au magenta. Le pigment des mots. La grappe grimpante et l’ailleurs de la phrase. Sans trop savoir ni comment ni pourquoi elle pose certains mots côte à côte au creux même des failles creusées dans sa mémoire.
À l’autre bout des mots, quelques souvenirs s’accrochent encore tentant de dessiner un présent à ce passé bien passé.
Quelques bleus limpides se détachent, des écorces de cendre dont elle déroule les pelotes d’un monologue chiffonné en boule.
Résonnent toutes les voix cachées dans la langue. Elle se laisse traverser, féconder. Quelque chose s’abandonne, un langage perdu. Cette meute de mots, qui surgit de la nuit réveille la froide atonie où le corps languissait, se loge dans le souffle.
C’est un jeu de ricochets alors qui se produit entre les tempes, cela se parle, se questionne, se répond, on sent que quelque chose se passe. Ce serait comme un sourire sur les lèvres.
À l’abri des épilobes .

mercredi 29 juillet 2020

entrelacs


Elle, bleuie d’encre et de chimère.
A tenter d’emprunter les sentes invisibles. Sur les bords des riens. De reflets évadés en revers intérieurs. En se glissant songeuse entre ces parenthèses, elle cueille ici et là des bruissements allègres, et des morceaux d’arcs-en-ciel.
Une odeur de forêt profonde monte de chaque miette de terre, de chaque écorce d’arbre l'inondant de fragrances .
D’un lent regard, comme progressant d’un pas alangui, elle scrute les échos creusés de lumière , étouffés dans la pénombre.
Une peinture de Van Gogh, une sorte d’icône. Et ses étonnements sous la peau. Elle, toujours à fixer ces fissures de lueurs. Et à voir ce que nul ne voit, tout cet entrelacs de buissons de bleus qui ensemencent et embaument jusqu’à l’os.
Il y a ce moment étrange, quand tout chavire puis s’éparpille en langues de verre, en esquisses de conscience: l’invisible adoubé. En ce lieu liminaire, s’éterniser.
S’éclaircir de ces lumières.


vendredi 17 juillet 2020

mémoires


Elle, perforée des mémoires.
Sous la lumière ordinaire des heures sans douleur.. A peine effleurée. La force d’une sentence écrite là sur la pierre. Des largesses laissées par ces riens, elle avait vu ce qui n’est pas visible d’ordinaire, comme les vestiges d’un écho en creux.
C’était là pourtant: des recoins de la langue, offerts au regard, ses rouages et ses surprises, son chant et ses méditations.
Dans le silence de cette parenthèse, elle nommait tous ces absents invisibles, dont les traces remontaient à la surface.
Pour chaque point de lumière une ombre délivrée. Un linceul de pierre qu’elle aérait. Des esquilles de vies, d’existences effacées. Des effleurages d’âmes que sa conscience ramenait au jour, entre souvenirs racontés et bulles de réminiscences.
Alors rester là encore pour tenter de toucher l’infini, et se laisser ensemencer de cette langue de pierre, riche d’oublis. Et devenir veilleuse de souvenirs.
Déplier les plis de ce qui fut.

lundi 29 juin 2020

mirage

 
Elle, dans la confusion profonde.
D’un De profundis où des songes se diluent. Éphémère vision. Où quelque chose troue la pénombre, cherche à se dire. Seuls les derniers frémissements restent en surface, délivrant quelques images aux alvéoles vides qu’elle cherche à rassembler.
Dans cette semi-obscurité, la vision se dilue, ciel et terre emmêlés, seule la lumière comme une tache, près du cœur.
Quelque chose se balbutie – elle prête l’oreille – un souffle l’effleure – elle espère la semence – les images s’enfuient.
Replier les ourlets sur le dernier mirage. Lui consentir le temps de germer. En espérant qu’enfin des mots soient libérés. D’un revers de langue, l’ailleurs s’est éloigné dans les méandres d’un monde aux rives gonflées d’obstacles , d’accrocs , de déchirures.
C’était comme un comptoir d’étain à jeter des reflets troubles, des pensées enchâssées de touffes d’herbe et de sable: la faillite du voir. Dans ces effets épars, un aparté.
La page est écrite: reste à lire.


lundi 22 juin 2020

Seuil


Elle, en un souffle retenu.
A rapprocher l’ailleurs d’un regard resserré. Une serrure forcée. Un havresac d’images où surprendre les mots. Quelque contrée encore inconnue où elle briserait les brumes du futur, laissant loin derrière les vestiges du passé.
Comme au lever de jour, les visions de la nuit replient leurs songes funèbres, même si des spectres se réfugient sous leurs ombres.
Des osselets des jours qu’il lui reste à vivre, elle en devine les contours, flous comme son regard d’enfant, un vrai asile de flous.
Une saison de mosaïque d’ombres. Elle chine du regain de lumière. Quelques caillots de ciel, une aubaine d’infini. Repousser les murs dans les lointains, et guetter l’apparition, au premier vent qui passe, d’un éventail de visions à l’horizon.
Rêver de voguer sur des nuages blancs pour passer l’épreuve du seuil et asseoir des soleils tout autour, comme sur un dessin d’enfant. Et de la mélancolie mêlée.
Délestée du poids du monde.


jeudi 11 juin 2020

Ecorchures

 

Elle, les souvenirs au rabot.
Jusqu’à l’épuisement des grappes de mémoire. Mûries et vieillies. Alourdies de troubles, dépolies par les ans Elle tente de capter, à la croisée des souvenirs, ce qu’il lui semble vrai, braquant les yeux sur l’écho des écorchures.
Se met dans le champ où les images déferlent, avec la densité grave d’une sorte de serre-livres du temps, sans vertige.
Sa seule boussole est faite d’incertitudes, qu’elle laisse sourdre, l’effleurer, puis l’éclairer, comme un monde qui déborde de l’ombre.
Elle gratte et rabote ces images éreintées. Sans se soucier de leur vérité. En un regard noyé elle se lance à l’assaut. Toute une série de salves, traquées comme traces d’indices, crépite et se diffuse dans une géométrie du n’importe quoi .
Une sorte de mélancolie auréolée de brume s’insinue alors au creux des pensées, sillonnant de rides son esprit épars . Du cimetière du passé, que sauver ?
L’aura peut-être de cet ailleurs.


jeudi 28 mai 2020

Face


Elle, dans un devenir muet.
À laisser s’assécher toutes les sensations. À baisser les yeux. À essayer la fuite pour ne pas se perdre. L’incertain commence dès lors qu’il s’agit d’approcher l’intouchable; les mains abandonnées, elle songe à une vague sang.
C’est comme sentir la vie hors de soi, le corps et l’esprit en retrait, et tout autour des odeurs fortes de fleurs en agonie.
Sous ses yeux baissés, l’étendue d’herbe s’articule en minces brins dont elle suit la décomposition à la merci du vent.
Ainsi elle est restée, transparente et vivante. Lentement est venue la folie. L’odeur était de suie et la langue de feu. Les hampes vertes et fines, déchiraient dur l’espace comme des pensées essentielles, dont il ne fallait surtout pas perdre le fil.
C’était un peu apprendre à rechercher ce qui se meut à l’intérieur de soi et n’en finit pas de se faufiler, se fendre et se fondre. Subsister encore dans cet écheveau.
Où tout est vague, obscur, muet.

mardi 12 mai 2020

écrin

 




Elle, devant l’écrin du matin.

A la distance d’un pas, mais ne le faisant pas. A l’aplomb de l’œil. Dans cet écart léger, délié des jachères. De l’art du visible elle aborde les contours, tente de cerner, au-delà d’un infini sans nom, les lisières d’un éden.
Retrouver la source, entrer dans le jardin, réparer les sens, dessiner un soleil dans sa tête, amorcer l’ horizon.
Rechercher l’invisible du visible, dans les lieux familiers, serait un peu sa quête, ce qu’elle tente dans son errance quotidienne.
Elle en traque les traces, écrit quelques fragments. Mosaïque des mots recueillis. Méditations de traverse, pensées funambules. Comme un cheminement en la chute des mots, entre paroles tues et murmures polis entre des mains avides.
La phrase chantournée se dresse et prend son juste envol, imbibée des saveurs variées d’où a surgi le premier mot, comme un clin d’œil. Frêle butin sur le chemin croisé.
Fragments inachevés, éclats .


jeudi 30 avril 2020

Cimetière

 
Elle avance à l’orée des morts.
Dans le silence des jours où l’étrange submerge. Un rien la remue. Le dos d’une statue, les plis d’un vêtement. Par-delà l’immensité d’un temps dont on ne sait plus rien, elle pose son regard sur cette silhouette, là, sans bouger.
Tous les jours le dos de cette statue s’offre à la convoitise d’en savoir davantage, une attente se crée, un songe, une ombre.
Il n’y a que ce dos, cette nuque, ce bras, cette chevelure, et tout le reste elle cherche à l’extirper du néant.
Lèvres d’aube déliées des alvéoles du temps. Quels visages faudra- t-il libérer ? Souffle coupé elle sait qui gît là oublié. L’ébauche d’une fillette, encore un bébé, qui n’aura pas eu le temps de jouer avec des cubes ou de rire aux éclats.
Entrevoir les lueurs d’un visage, des pensées d’innocence et derrière les silences, l’énigme d’une vie, des joies, des peines, des manques. Un détail, un éclat, une brisure.
Une présence évanouie.


jeudi 16 avril 2020

noeud

 

Elle, quand il ne se passe rien. Ce rien comme un miroir, à la vision tremblée. Un caillot de rides. Où cueillir du regard les restes d’une vie. Elle se souvient de chaque fissure, de chaque interstice où somnolent ces bribes de soi immobiles comme des araignées.
Aux aguets, prêtes à renaître des braises où il est si facile de souffler un peu, d’effleurer les appels des mots.
Ils se dilatent, écartent les marges où ils se terrent et s’épanchent à ses lèvres où elle goûte leur sève, sucrée, salée, amère.
Elle se laisse envahir, ravager de lueurs. A chacun ses failles à méditer. Chacun porte ses manques dans sa mémoire criblée. Cela s’étire et grandit au milieu du fleuve de nos vies, nous implore d’aller voir de plus près, de rester au bord du vide.
C’est le futur antérieur d’un vertige, d’un passé confus où se bouscule tout ce qui n’a pu être dit depuis la déchirure des ronces. Écarteler les fissures où sombrer. Raboter les ravines d’ombres.


samedi 4 avril 2020

lichen

 

Elle, entre lacunes et lichens.
À récolter les mots au comptoir de la pierre. Comme une eau-de-vie. Évaser la vision et cueillir les oublis. Elle, debout, comme une enfant tout imprégnée de contes, laissée là à rêver ses chimères, et les yeux comme un morceau de ciel.
Face à la grisaille, le quotidien en quelque sorte, laisser les pensées se frotter au relief des lichens saxicoles.
Peut-être un trésor se tient-il caché dans une des brèches de la pierraille, délivrant une cartographie, rien que pour elle.
À lichen foliacé, un drapé de pensées. Ébauche d’un continent prometteur. Elle se sent eau de pluie et rayon de soleil. À l’embouchure des yeux, les paroles se séparent, et il tombe des mots comme tombe la neige, dans le plus grand silence.
Cristallisés à la marge des jours, ils frémissent et murmurent, puis d’un bruit sec, déchirent les bordures et se mettent à dériver, tranchants. Ils labourent les limites de lumière.
Et vibre un nouveau diapason.


lundi 24 février 2020

Ailleurs


Au creux d’elle-même git un ailleurs.
Un creuset d’ombres bleues, reliquaire de langue. Pelote de plis. Un désert de paroles où il est bon d’errer. Sur la terre des peut-être, elle donne souffle à des mots dont les ailes se déploient , se déplient, se lient entre les lignes de failles.
Rassembler des morceaux , entrer dans les langues, malaxer, pétrir, donner vie, écouter les respirations du silence.
Elle n’a pas les mots, mais elle est dans leur antre, creuse son nid entre leurs lettres, cueille les signes épars et en bâtit des ponts.
Entre la langue et les blancs, un poème peut-être. Bonheur d’avancer entre les deux. C’est un trop de réel, effraction et vertige. Partition d’une parole, où les blancs parlent de patience sous un silence bleuté, et les mots ne se savent pas souffle .
Sur ce terrain vague, dans ce petit écart du monde, où l’on se perd parfois, elle erre dans ces creux de riens, à chercher les bords du manque*. Où méditer et se laisser aller.
De mots en mots, trouver l’issue.

* Antoine Emaz
La photo est un détail d'un tableau d'Anselm Kiefer: "Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien?"