J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

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samedi 4 mai 2024

Jalousie des mots/ 17

 


Face au paysage dont l'immensité se plaît à fomenter nos songes, où l'intime et l'infime s'entrelacent, devant un monde dont nous sommes soudain à la fois en dehors et au plus profond de soi, l'inclinaison des pensées nous porte vers une méditation calme dépourvue d'ennui. La fenêtre ainsi élargie de notre esprit permet ces résonances dont on éprouve la nécessité pour se tenir droit sur son chemin de vie. Dans la contemplation de cet ailleurs, le regard s'accroche, comme le lichen sur la pierre, et ne peut se détacher de cette immensité dont nous savons qu'elle fait partie de soi.



dimanche 28 avril 2024

Jalousie des mots / 16

 


Le pierrier sous les pas qui s'arriment à la texture, les yeux se fixant sur les inégalités des roches qui pointent, roulent, déséquilibrent juste ce qu'il faut pour rappeler à l'ordre. Le vertige, on le sait, à tout moment peut survenir, brouillant la vision, rendant toute progression difficile, accélérant les battements de cœur, l'ivresse se glissant dans le pas, et les pensées n'étant plus sous contrôle. Dans l'oubli du réel, au seuil d'un vide qui aspire, un ailleurs d'immensité contre lequel il n'est pas possible de lutter, car on a aucune chance de vaincre l'impact de ce coup de foudre.

samedi 24 février 2024

Jalousie des mots/ 7

 


Aux alentours des émotions, celles qui drainent la tristesse notamment, trouver une bifurcation sur ce chemin aux traverses bien connues, afin de prévenir quelque chute dont on ne se remettrait pas. Suivre des yeux le vol d'une mésange entre les arbustes du jardin, qui semble un peu perdue, mais ne serait-ce pas plutôt moi qui erre entre les strates des intervalles de ma vie, au sein des émiettements de silences qui fleurissent çà et là. Reconnaître le signe d'une présence, d'un message qui chercherait à être délivré, comme si un souffle invisible venait me sauver, et apaisait les pensées âpres.

samedi 10 février 2024

Jalousie des mots/5

 


Quel est ce songe d'opacité qui vient vriller de temps à autre de son éclat les parois de mon labyrinthe neuronal, où les cartilages de la boîte crânienne, heurtés par les à-coups ressentis frémissent d'une forme de joie métaphorique, qui ressemble, toute proportion gardée, aux tableaux de Chagall, où tout plane, tout vole sans raison apparente, mais sans déraison non plus. On souhaiterait séjourner plus longtemps dans cette ambiance où peu à peu la conviction d'une vie autre est sans doute possible. Puis le songe tourne la page et on regrette de ne pas avoir posé un regard plus méticuleux.

( Voilà un mois que cette rubrique "Jalousie des mots" se construit. Elle est donc faite de 100 mots dont 7 mots -- un noté chaque jour -- à inclure dans un texte de 3 phrases. Le terme jalousie est en rappel de la rubrique "Jalousie des jours" qui s'est déployée ici pendant 79 semaines, tentant d'évoquer, non ce qui filtre du jour, mais ce qui filtre entre les mots, comme au travers d'une jalousie. Une de mes photos tente de faire écho au texte qui s'est écrit à la fin de la semaine.)

vendredi 2 février 2024

Jalousie des mots /4

 


À partie liée avec le mystère de l'intuition, le style creuse dans les arcanes de ce qui s'écrit et tisse le plus souvent avec simplicité le texte que l'on ne se savait pas vouloir ou pouvoir écrire. Des artifices se glissent entre les lignes, créant quelques hiatus, ici ou là, pour induire en erreur le lecteur et même le rédacteur, qui ne sait plus ni où il est, ni où il va. Il a parfois la sensation, en haut d'une crête, de cueillir un trèfle à quatre feuilles dont il n'avait même pas conscience d'être réellement parti à sa recherche.

lundi 16 janvier 2023

Viatique/67

 


Fixer l’écart de ce qui fait le jour. Ce qui tranche le regard. Ainsi que le fait le chant d’un oiseau quand il écartèle le silence.

Sans chercher de sens. Saisir juste ce qui s’offre comme on prête soudain attention au souffle qui va et vient. Sans rien attendre de particulier.

Les couleurs, les formes qui nous recentrent. Fragilité d’un instant à prolonger. Puis fermer les yeux et voir de l’intérieur.

dimanche 8 janvier 2023

Viatique/ 66

 


Ce qui saisit là c’est l’instant où le regard se noie. Au moment du passage d’une vision large sur ce qui entoure à celle d’une intensité autre. Tout alentour n’existe plus.

On verse dans cet enclos que l’œil vient de révéler. Mais rien n’est fermé justement. Tout vient de s’ouvrir, comme ces fruits dont on écarte deux morceaux et qui livrent leur secret.

Un dedans-dehors où l’espace est poussé devant soi. Où le lointain se dépose à portée de main. Où une poignée de feu, lame froide d'un couteau, cisèle un passage de silence.

 

lundi 12 décembre 2022

Viatique/65

 


Devant la maison des rêves des échos de lumières se reposent. Les songes se poursuivent. Comme des souvenirs, on vogue de l’un à l’autre.

Nulle clé n’est nécessaire puisque tout se traverse. Des murmures passent et repassent, s’éloignent puis renaissent. Arche des possibles et même des impossibles.

Il monte parfois de la terre une lumière. Elle bâtit des murs où suspendre un peu d’espoir. Illuminé de bleu.

 

vendredi 4 novembre 2022

Viatique/ 64


 

Risquer son corps dans l’image d’un dehors. Déchirer la lumière à la parole d’ombre. Et, néanmoins, se laisser porter par cette sorte d’enchantement dont on ne revient pas.

L’enfant est toujours là, prêt à s’immerger entre les épis, à se cacher ou à danser en répondant aux alouettes. Le temps passe mais il l’a oublié. Il rit dans le présent.

Des songes de soie rouge tremblent lorsqu’il ferme les yeux. Son visage est couvert d’un masque de dentelle. De sa bouche, des nuages s’échappent.

mardi 18 octobre 2022

Viatique/ 63

 


À chaque fois que je longe un champ de blés, il se murmure en moi une petite phrase comme quoi il ne faut pas oublier cet instant. Ces épis m’interrogent, me demandent de m’arrêter pour les contempler. De prendre le temps tout simplement.

L’enfant est là, bien présent, sans mélancolie aucune. Je sais que près de cette houle dorée, je ne risque pas de me perdre. Une lumière particulière m’enrobe.

Il y a quelque chose de l’indicible. Légèreté ou insouciance, foisonnement ou richesse, tout est là qui dodeline. Une halte où laisser l’esprit flotter.

lundi 5 septembre 2022

Viatique/ 62

 


Recueille la lumière qui tremble encore un peu à la venue du soir. Du bout des doigts caresse les épis qui se tendent comme des questions. Ne cherche pas les réponses.

Revêts tes pensées de ce pan doré. Cette lumière qui traverse la terre laisse trace en toi. Une faille se fait jour.

Laisse s’élever dans le labyrinthe de l’esprit les visions qui naissent. Sur les lèvres le bégaiement de mots qui se dérobent. Le mot de passe s’est caché là.

samedi 20 août 2022

Viatique/ 61

 


Ce serait comme un miroir. Où la ressemblance avec nos aïeux commence à se faire jour. Le temps fait son œuvre de geignement.

Chercher à l’intérieur ce qui peut encore être sauvé. Saisir le mot de passe, le sésame des pensées. S’éloigner des parois sombres.

Aller au plus profond de son corps. Au seuil de son jardin où fleurissent les pleurs. Cueillir la lumière des larmes.

 

vendredi 5 août 2022

Viatique/ 60

 


Ne plus se dérober et laisser se dévoiler tout ce qui affleure ici ou là. Le lumineux comme le sombre. La flamme comme la cendre.

Tous ces souvenirs depuis l’enfance, toutes ces pensées sauvages ou ces idées saugrenues, tout cela compressé au fond de soi. Tout simplement leur entr’ouvrir la porte. L’ivresse survenue au cristal révélé.

Des images, des songes, des craintes, des évidences. Abriter, même ce qui se dérobe, dans le creux du poème. Et dévisager l’ombre de sa silhouette.

vendredi 22 juillet 2022

Viatique/ 59

 


Un coin de cerveau détaché dans le jour que l’on étire jusqu’aux extrêmes du possible. Vouloir fendre à coup de hache pour donner de l’air. Écouter les sons qui s’échappent.

Quels oiseaux pourraient bien chanter ? Quels songes se détendre ? Quelles pensées se rassembler ou se diffracter?

Ce chant qui monterait d’en bas se risquerait à peu de choses. Un petit bout de dentelle à effilocher pour traverser les heures. Une clarté d’encre.



lundi 4 juillet 2022

Viatique/ 58

 



Faire le point, même si l’on frôle l’impossible, sur ce qui requiert ou ce qui importe. Il n’y a que des sensations, des petites touches, des notes par-ci par-là qui se déchiffrent. Quelques lueurs au sein des ombres.

Dans l’étoffe du monde tissée avec tous les accrocs que l’on connaît, les déchirures et les brûlures, comment se retrouver… Faire appel aux anges de Rilke pour ressentir le dépassement de soi. Et s’enduire les lèvres du rouge de la parole poétique.

Savoir que l’on divague sur des chemins d’erre. Noter ici les traces de ce qui nous échappe. Et puiser l’espérance dans cet insaisissable comme dans la sobriété d’un chant d’oiseau.

lundi 20 juin 2022

Viatique/ 57

 


Près de moi les premiers coquelicots de l’année. Ils semblent toujours me saisir au détour d’un virage et se présenter comme une apparition. Et ces mots, à chaque fois sur les lèvres oh des coquelicots…

La pensée se fige alors et le regard travaille jusqu’à l’ombre. Lieux et temps s’emmêlent, les images s’immergent dans un temps incertain. Un aller dans le passé, les yeux dans le présent.

Une joie simple, de celles qui sont apaisement, où l’on s’égare volontiers. Hissée sur cet envol du jour, on cherche à garder souffle. Et s’abreuver à cette vaste présence .

 

lundi 6 juin 2022

Viatique/ 56

 


Le trop plein de pensées serrées entre les mailles du cerveau, dont on voudrait alléger le poids. Et l’invisible perdu au sein de ce lacis. Vouloir aller à sa rencontre.

Où peut-être se trouve la lumière égale, paisible d’une aube. Dans une harmonie rayonnante. Et de ses ombres aussi sans lesquelles elle ne serait pas.

Se tenir à distance juste et suffisante afin de garder un équilibre. Ne rien brusquer. Espérer.

jeudi 26 mai 2022

Viatique/ 55

 


Conserver l’insaisissable comme une pierre précieuse, le don d’un seuil où se tenir. Des images se forment et se déforment. Des pensées grandissent puis s’éparpillent et s’oublient.

La lumière semble venir de l’eau qui déploie ses arabesques. Bouches muettes d’où l’on espère un oracle singulier. La voix des profondeurs…

On reste dans cette attente d’un signe. Un hymne jailli des eaux, sous un regard divin. Des mots, à coups de hache, extirpés de l’invisible, entre des ombres.

jeudi 12 mai 2022

Viatique/ 54

 


Souvent, trop souvent peut-être, s’immerger, se fondre dans les bleus. Les affectionner et les recevoir comme un don. Et se laisser emporter entre les flux de cette carnation baroque.

De ces eaux souterraines, repêcher des éclats d’allégresse, ces petites notes grisantes qui nous font aborder les rives de l’ivresse. Je retrouve encore, longtemps après la visite de cette exposition, un peu de l’émotion, peut-être même plus intense, après la concrétion du temps. De la photo naît un souvenir reconstruit.

Éclisse de souvenirs sans doute inassouvis. Pour tenter de dire un instant nonchalant, où des pensées un peu tremblantes se sont incarnées.

mercredi 4 mai 2022

Viatique/ 53

 


À regarder cette photo, je me souviens du lieu où elle fut prise, je me souviens de l’errance entre les tableaux exposés, je me souviens du plaisir ressenti. Et du silence accru par le tremblement de chants d’oiseaux. Quant aux songes qui se sont  calcifiés, ils glissent dans le jardin du minuscule.

Une exposition d'œuvres d’artistes, venus d’horizons différents, parsemées dans les allées d'un cloître. Et ce souvenir de bleus qui se parlaient. Et je tournais encore et encore, regardant et voyant ce que seule je voyais.

Saisie éperdument par ces alvéoles de bleu. Par ce dialogue entre la peinture, l’asile où ils se nichent, et le pas lent, infini qu’il suscite. Quelque chose de l’insaisissable entre les tempes.