J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

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mardi 3 novembre 2020

Quatrain/ 46

le jour est déposé

l’œil noie le tout

en un morceau de nuit

écrire contre

 

samedi 14 septembre 2019

Derrière, elle



L’infini d’un ciel, percuté de nuages, orné d’une lune de nacre où tout se noie comme ces trainées de rêves ou ces pensées froissées qui heurtent les talus, épousent les feuillages qui filent sans que l’on sache de quelle essence d’arbre, se crispent auprès des parois sombres que la voiture longe quelques instants, puis le souffle s’apaise, les paupières luttent pour ne pas se fermer, Magnificat chante Arvo Pärt, le paysage ralentit ou c’est le conducteur qui prend son temps, et le ciel s’élargit, un rapace plane à l’affût d’un champ, à la place du mort le temps s’évanouit, et elle se retrouve près de la fenêtre d’ennui du troisième étage, trop petite pour que ses yeux ne voient autre chose que le ciel et les hirondelles qui strient l’azur comme elle-même griffe ses cahiers d’arabesques qui n’ont aucun sens, elle n’est qu’attente d’un devenir qui ne changera guère, toujours à se tenir derrière une vitre à rêver d’un là-bas, cet ailleurs d’un réel où elle ne se risque pas, et sans aucune raison, mais il y a des courts-circuits dans les pensées , elle se revoit derrière ces carrés de vitres où la pluie découpe ce petit napperon de dentelle et l’œil happé par le chemin des gouttes, elle pense que le ciel essore alors tous les chagrins du monde, elle suit la course des gouttes d’eau le long des câbles électriques, suspend son souffle à leur chute, espère qu’elles ne tomberont pas mais resteront accrochées jusqu’à la venue du soleil qui les aspirera, mais bien sûr les gouttes chutent, c’est la loi de la vie, puis la lumière va froisser ce rideau de larmes, des lèvres bleues percent et écartent la couverture grise dénouant les tresses d’oppression, les épaules lourdes elle connait bien lorsque, veillant au bord du lit, attentive au souffle qui se raréfiait, elle reprenait un peu de force à regarder passer les trains sur la voie ferrée de l’autre côté du boulevard avec parfois un visage aperçu, une silhouette qui, pendant quelques secondes incarnait une vie, prenait possession de son esprit et la distrayait d’un présent sans avenir, dans ce champ où l’invisible s’installe dans la perspective, elle se voit face à des vitraux que la lumière laboure de ses faisceaux, creusant des sillons aux revers d’ombre , elle est attentive aux infimes changements de couleurs, ocre tendre d’un dehors qui se bleuit, au seuil de l’étoffe d’un jour où tout est encore flou, et en une fraction de seconde l’éblouissement d’une sensation de mélancolie contre laquelle il est vain de lutter sinon en se concentrant sur un petit losange de jardin, juste au-dessous de la fenêtre du bureau, où, évanescente, une bruyère aux fleurs mauves et des bambous nains laissent des éclats de vie se déchiffrer dans ce miroir végétal, ce petit jardin de poupée où chaque matin, pendant des mois, elle a regardé croître ses propres égarements, scruté des ailleurs, cueilli des silences de bleu et dont aujourd’hui, elle n’aperçoit que des ronces enlaçant les nids d’ombres, ces interstices où tout se terre. 

Proposition d'écriture 6 sur l'atelier d'été de Tiers-Livre  : Débusquer ces fenêtres au présent ou ces fenêtres-mémoire, c’est ouvrir la place à la méditation réflexive sur soi-même.

mercredi 8 août 2018

dimanche 5 août 2018

écran d'eau



voir le temps

sauver une bribe
un affleurement
une échappée

plus qu'une image

samedi 14 avril 2018

Anselm Kiefer



Tenter de rendre compte de l'émotion ressentie lors de la découverte de l'exposition  Für Andrea Emo d'Anselm Kiefer à la galerie Thaddaeus Ropac à Pantin. 
Merci  d'être indulgent , c'est ma première vidéo!


mardi 17 mai 2011

Regard 61

Une année de regards et de mots mêlés entre ce bout de jardin, observé au travers de la vitre, et le devenir de ce que j’étais, tentant de déchiffrer les éclats à puiser dans ce miroir végétal. Rassérénée, souvent je le fus après ces échanges matinaux, lestée de cette manne cachée dans la bandoulière du jour.  Capable de rester dans ce jour et d’enjamber les barricades qui se levaient devant mon pas.  Ce trapèze de bruyères, bambous, primevères et terre caillouteuse , à l’ombre d’arbres nains, ce jardin de poupée en quelque sorte, où chaque matin, j’ai regardé croître mes propres égarements, scruté ces ailleurs,  cueilli des silences de bleu . Dresser un texte comme on redresse la tête et que, le dos bien droit, avec la règle métallique froide qui appuie sur la colonne vertébrale, se dise ce qui est. Verticalité du poème face au cyprès nain gardien des songes et garant des secrets. Dans le désordre d’un matin dernier, le regard se tend, espère, et n’aperçoit que les ronces enlaçant les nids d’ombres, les interstices où tout se terre.

vendredi 13 mai 2011

Regard 60

Pour pallier l'usure du regard, j'inscris un autre écran entre le dehors et le dedans. Cadre dans le cadre, révélant ce qui, caché entre les lignes, est à jamais tatoué sur ma pupille. Palimpseste où émergent les couleurs d'un matin, l'ambiguïté d'une réalité que les livres mystifient et qui se révèle dans la photo, reflet impitoyable de cette lumière que l'on voudrait toucher, articuler au coeur des mots. Fixer cette représentation, derrière le cadre de l'appareil photo, derrière la vitre que le soleil éclaire, derrière ce qu'il reste de soi. C'est la lumière qui fait tout le travail. Un texte nait essoré par le flux de lumière. Il suffit juste de lire le fragment découpé.


jeudi 28 avril 2011

Regard 59

Rester au bord, quand le jour, calfeutré dans la fleur blanche, s'arrête un instant, entre les traînées sombres. Ce grain de beauté donne l'élan pour enjamber les ombres. Le silence s'en inspire et répand au sein de cet éclat les mots qu'on ne sait plus dire, et qui, serrés là dans cet interstice se mêlent à des morceaux de ciel égarés. L'éphémère entre des doigts usés. Il se glisse entre d'autres ailleurs, s'éparpille derrière les images perdues, se dissout entre pierre et mousse, ne cesse et tremble encore.

mercredi 20 avril 2011

Regard 58

Des primevères, il ne subsiste plus que les feuilles oblongues, désormais dénuées de cette lumière qui murmurait la terre comme un tapis d'opalines. Un silence sans oiseaux pour le révéler, se délite entre des branches d'arbres d'une immobilité inconnue. Pa de tremblement chez les feuilles. Le regard alors hésite, ne reconnaissant pas ce dehors dont une vitre sépare, mais qui d'ordinaire renvoie ce que l'on peut nommer désir. Ce dehors ne semble plus être que dans les mots qui tentent de le dire, dans un mouvement d'écriture qui le cherche, le pousse à être malgré lui. Il n'y a plus d'heure , qu'un silence du temps. Cela résonne presque comme une angoisse, lorsque songeant à cette immobilité, on se dit qu'il ne faut pas arrêter la phrase, qu'elle seule possède les clés du sortilège, et  que, de sa sinuosité dépend le sort du monde. Ce que l'on cherche c'est retrouver les échos des regards posés là si souvent: l'écume des arbres, les lisières d'ombres, le ballet des mésanges, le souffle issu des mousses, le balancement des bambous, les bruyères de Lozère... On attend alors que le soleil, traversant le vitrage, fasse chaleur sur la peau et la traversant, creuse son sillon.

lundi 11 avril 2011

Regard 57

Peut-être est-ce son énormité que je rejette de ma vue...peut-être l'emplacement du fauteuil face à un angle d'approche du dehors, qui le repousse... peut-être son aspect bedonnant ne m'attire guère...mais je ne m'étais pas aperçue de la floraison blanche de ce gros buisson ,dont j'ignore le nom et ,qui tapisse un pan de la fenêtre. Eclairé par le soleil couchant, il donne à mon regard une sorte de curiosité, avec ses grosses fleurs blanches plates, taches d'une encre où j'ai du mal à tremper ma plume. Echancré sur sa base gauche par un buis qui, lui, reçoit toute ma tendresse, me renvoyant un vert plus tendre, un feuillage plus fin, une légèreté où se balancent mes pensées. Au sol, les primevères s'épuisent, raréfiant la lumière terrestre. Les mésanges, après une salve d'adieux, semblent avoir déserté le jardin; un silence d'autrefois a recouvert les vitres, les arbres étendent leurs rideaux de feuilles, calfeutrant ce qui se tait en moi. Un répit peut-être.

mercredi 6 avril 2011

Regard 56

La branche oscille encore, laissant présumer qu'il y a peu un oiseau se balançait ou contemplait , tout comme je le fais, la chevelure blanche du prunier. Cela chante. J'aperçois quelques corps d'oiseaux qui ne sont pas ceux des mésanges habituelles. Sur la gauche, le cerisier est lui aussi couvert d'une nuée blanche, moins foisonnante. A droite, les bouleaux peinent à lancer des trainées vertes vers le ciel. De gros insectes captent mon regard, enchevêtrant leurs vols autour des grappes de fleurs: je lis les traces comme un message de signes, une écriture secrète dont je devrais découvrir le sens. J'erre de fenêtre en fenêtre à la recherche d'une nourriture que je ne trouve plus. Je reprends place devant mon cadre familier. Le soleil inonde mon visage et le trapèze tapi de primevères répercute une clarté dont on aimerait se parer. J'éloigne le fauteuil de la fenêtre, me rencogne dans l'ombre, à toucher les limites. J'attends ce qui pourrait briser. Sur l'autre fenêtre, celle qui fait face au prunier, une mésange frappe soudain au carreau comme tous les matins depuis quelques jours . Un singulier dialogue s'installe où l'hébétude  et l'espérance croisent leurs fils: habiter cet instant insolite et dériver sur ces mots soufflés. Dénouer, renouer la trame des silences.

mercredi 23 mars 2011

Regard 55

On croit en avoir fini et puis on y revient. Le parterre de lumière détache le regard. Encerclé de taches de douceur, les bambous nains se dressent avec fierté et pâleur. Cet amas de couleurs qui irise la terre donne au silence une intensité, un souffle qui entre dans la parole. Tout est porté par cette vague de jaunes, mauves et blancs jusqu'au bord des paupières. On est dans ce présent, on l'entend, il vous parle. Au coeur de l'instant où des primevères illuminent les ombres. Celles du dehors et celles du dedans. Un rayon de soleil se glisse dans l'interstice laissé entre les arbustes, s'infiltre jusqu'aux fleurs et donne à ce parterre un éclat d'horizon.

mercredi 9 mars 2011

Regard 54

Je suis dans le minimum du jardin. Il y a la terre, les arbustes , le ciel. Et la fenêtre, cette lucarne sur les couleurs du jour . Je suis toujours à l'intérieur à tenter de dénicher les pauvres mots qui diront ce qui se tisse entre le dehors et le dedans. Je reste dans l'ombre, à trouver un son juste, une sorte d'harmonie entre lui et moi. Ce matin, s'étalent les draps de l'abandon, le désarroi d'une réalité devenue réelle. Corps à corps nous nous épaulons pour traverser un présent de la terre, où quelque chose continuerait de vivre, où se bégaierait encore le premier mot.

vendredi 25 février 2011

Regard 53

On a beau le scruter, le jardin ne s'est aperçu de rien. Il a poursuivi son essor secret vers un printemps tant espéré. Une semaine que mes yeux ne l'avaient regardé. Des primevères ont proliféré malgré le froid qui a repris les rênes, mais ici la neige n'a pas effleuré la terre en une ultime caresse. Le regard amputé, j'ai désormais des jours entiers à consacrer au bruissement des branches, aux rires des oiseaux, aux fils labyrinthiques des ronces et autres herbes folles, à l'immobilité terrée dans mes tiroirs sous le cyprès, à ce ciel dont la grisaille ne libérera aucune espérance. Compter les gouttes aussi qui perlent au bord des branches. Ne pas abuser des larmes. Compter les jours depuis. Fermer les yeux , penser à la bruyère.

mardi 15 février 2011

Regard 52

 J'ai cru que le soleil et la lumière ne gagneraient pas ce matin, qu'un voile un peu pesant allait recouvrir ce qui me tient lieu d'espace. Et puis des oiseaux se sont mis à pépier et la lumière aussi. J'en ai besoin pour lutter contre les forces sombres qui tentent leur destruction. Quelques freux balaient le ciel, les merles n'ont pas encore pris possession des buissons. Au ras du jardin, rien ne bouge. Oublier le jour passé, espérer encore au jour qui vient. Je m'évade dans l'échancrure du buisson où se dessine un ciel pâle. Une oasis où s'abreuver avant que tout ne se dérobe. Refuge au sein d'une cartographie bouleversée, dans l'illusion des mots de l'aube.

dimanche 6 février 2011

Regard 51

S'écrirait presque le printemps avec cette lumière et l'absence de blanc sur les terres du jardin. Le recommencement. La tension des branches. La libération des oiseaux. Le silence est posé, soutenu par l'agitation sous le cotoneaster: méli-mélo de merles aux becs jaunes sur les baies rouges. On voudrait croire à ce qui naît. Demain qui serait déjà là. La tête dans les bleus. On ouvrirait le tiroir sous les branches serrées du cyprès pour donner naissance à une langue nouvelle, avec des lettres rondes, des pleins et des déliés, une chorégraphie de signes qui chanterait le ciel. Les ronces de la mélancolie ne seraient plus que quelques taches oubliées sur le talus et l'on dessinerait autour des petits pétales rouges, simples coquelicots. S'écrirait presque le printemps sans ponctuation

mercredi 2 février 2011

Regard 50

Une gelée blanche, mais pourrait-elle autrement, donne au jardin un aspect cassant. La lumière est distante. Seuls les merles. Je sais désormais que pour voir les mésanges, il faut changer de fenêtre et s'installer face à l'autre versant, là où la plaine commence. Poser son regard différemment car il est attiré par des choses multiples qui ne sont pas de ce côté-ci, traverser le rideau de bouleaux, aller au-delà du maillage de branches, enjamber les toits des maisons du bas de la colline, découper la voie ferrée, traverser les fumées et se sentir aimanté par le flot continu de lumières rouges ou jaunes selon le flux de migration qui déroule ses rubans.  Faire marche arrière et revenir au bouleau qui tapisse toute la surface de la fenêtre pourtant plus grande. L'attente est brève. Ce sont trois ou quatre mésanges qui se faufilent entre les branches nues et viennent picorer les boules de graisse mises à leur attention. Immobile derrière la vitre, je ne suis que reflet , je regarde l'instant qui se construit , il me semble être dans une sorte d'accord perdu entre ciel et terre.

vendredi 21 janvier 2011

Regard 49

Calme et froid dehors, migraine dedans. La lumière grise me convient ainsi que l’immobilité des plantes. Bruyères et bambous inertes, feuillage sans frissons; mais, en forçant le regard, sous l’épais buisson à baies rouges, j’aperçois les ombres glissantes de merles, le bec tendu vers les gourmandises. Ils sont en alerte constante, des chats traversant souvent les lieux…Chacun cherche sa vie. La mienne est de regarder le jour qui vient. Une voiture passe dans la rue, je l'entends à peine. J’attends la mésange bleue. Je reste là pour ne pas me quitter. Et je suis ailleurs aussi. C’est petit ici mais çà tient. Les arbres se resserrent, l’épicéa droit et fort, touche presque le ciel. Les pierres couvertes de mousse tiennent le talus. Nichée entre ces bouts de pas grand’ chose, je suis. Un peu. Une mélodie se tisse, des accords, quelques fausses notes et parfois un écho. De toute façon, les pleins et les déliés n’ont plus cours. Eparpillés, de fins flocons parsèment l’espace. Tout sera recouvert.

mardi 11 janvier 2011

Regard 48

On guette la bannière bleue qui donnerait au jour l'élan pour enjamber le temps. Mais le gris s'est emparé du ciel et pousse son monde vers les recoins de la terre où s'arc-boutent les berceaux. On scrute la goutte d'eau au bout de la branche et l'on attend sa chute. Le plan est ralenti. On se croirait dans une photo tant l'immobilité prend à la gorge. Une langueur stérile d'où s'est absenté l'écho.. Les mots s'engrisent. Le passage d'un freux distend cette atmosphère avant qu'une pluie continue et sonore déchire l'image et domine la terre.

mercredi 5 janvier 2011

Regard 47

On est au rendez-vous. On sait des tâches à accomplir, mais on reste malgré tout derrière la fenêtre, à contempler l'immobilité d'un froid matin de janvier. Seul le ciel semble animé: glissement de nuages qui traversent, au ralenti, sans le recouvrir, ce bleu nécessaire. On oscille entre ciel et terre à l'affût d'un signe. On ne sait pas grand chose mais une sorte de tendresse se calfeutre dans les yeux. On sait la lumière. On sait les ombres aussi. On tremble un peu, on psalmodie quelques vers pour entendre une voix. On attend le passage du vent et que s'ouvre le monde.