J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 30 janvier 2023

Marcher est ma plus belle façon de vivre

 


 Le drame est ce qui nous fonde. Pourtant, c'est la joie que nous recherchons, que nous

 quêtons en vain.. Mais chaque fois qu'apparaît un peu de lumière, une ombre étrange la 

recouvre aussitôt. 

                                                                   *

Hier dans l'après-midi ensoleillé, le bonjour de trois coquelicots sur le mur gris d'un cimetière.

                                                                   *

On écrit pour arracher quelques bruits au silence du néant mais aussi pour accroître ce silence

 et, peut-être, ce néant.

                                                                   *

Nous ne sommes que des commencements, jamais des fins. Rien ne s'achève jamais en nous. 

Mais un jour tout nous abandonne. Nous vieillissons dans l'énigme de vivre et d'écrire, les yeux

 écarquillés alors que la nuit voudrait tant les clore.

Joël Vernet " Marcher est ma plus belle façon de vivre" ( La rumeur libre)

samedi 28 janvier 2023

Choses pour améliorer la vie en ville

(on pourrait souhaiter mieux que ce ciel sombre et bas)

pour chaque place de la ville — et il n’y en a pas tant que ça — créer un déambulatoire couvert — où la marche pourrait se faire protégée de la pluie ou du soleil — selon les saisons — mais surtout on pourrait marcher tourner et se recentrer — ce serait des cloîtres de pensées — au centre de la place des fleurs et de l’herbe — un bosquet d’arbres — un lieu où pouvoir laisser aller et venir l’esprit — avec la lenteur du pas — aux angles des riens qui émeuvent — sculpture vitrail poème — présence absence au monde — 


 

 

 

jeudi 26 janvier 2023

à portée de nuage

 

le vol d’une aigrette

fait signe sur mon chemin

donnant du souffle aux fleurs

et retirant un peu de silence

au brouillon des nuages

un nouveau monde emmailloté

mardi 24 janvier 2023

Jalousie des jours/ semaine 37

lundi 16 janvier                                                

minuscules tendresses

dont s’envelopper pour avancer

pour traverser ce qui se doit

pour ne pas oublier

et donner à son tour

autour de soi

sans compter

mardi 17 janvier

journée difficile

dans le souvenir

avec les musiques qu’elle aimait

la langue qui me ravit

et la lumière vive soudain

qui inonde la pièce

en silence

mercredi 18 janvier

élargir les

frontières de l’esprit

travail quotidien dans la lecture

dans l’écoute de ci delà

puis revenir à ses pensées

à la bordure de sa parole

au seuil de soi

jeudi 19 janvier

des aléas

et des renoncements

rythment ma semaine

c’est ainsi et rien n’est grave

prendre le temps du rien

du regard reposé

sur les branches de neige

vendredi 20 janvier

conflit avec

l’enfant et lui apprendre 

à gérer la frustration

et voir ses larmes

sa petite colère

son opposition mélodique

et passer à autre chose

samedi 21 janvier

petit livre

comme un livre d’enfant

qui rejoint l’enfant qui

sommeille encore en moi

pages tournées

rêve amorcé

jusqu’au bleu

dimanche 22 janvier

regarder dehors

neige et froidure

normales pour un hiver

mais dont j’ai déjà hâte

de m’échapper pour

retrouver les chemins et

le rythme de la marche



 

dimanche 22 janvier 2023

Le voyageur sans voyage

 

 

L'enfant pointait du doigt

en direction d'un bois


Une forme immobile se devinait

entre les arbres:

 

c'était le train bleu


Tous les rêves des gens

se trouvent à bord

Tous

me dit l'enfant

 

Les tiens aussi

 

Pierre Cendors Sophie Lecuyer " Le voyageur sans voyage" ( Editions Bruno Doucey)

vendredi 20 janvier 2023

Quatrain/ 104

entre les ondes

tenir l’ombre nue

le silence ne désunit pas

au bout de moi il y a toi

 

mercredi 18 janvier 2023

Jalousie des jours/ semaine 36

lundi 9 janvier                                          

l’entre-temps

de ce qui se passe

dans un jour

quelque chose se trame

un rien encore

qui va éclore

comme un œuf

mardi 10 janvier

bras droit

ressenti plus fort que l’autre

mais sans douleur

juste l’étrange impression

d’une dissymétrie du corps

la conscience de la

sensation du bras

mercredi 11 janvier

passé relu

entre les lignes d'un carnet

et lire que faire de l’ombre

en hébreu signifie

sauver quelqu’un

car l’ombre est

l’intime de chacun

jeudi 12 janvier

embrumée vaseuse

laisse s’écouler le jour

sans rien en attendre

des images passent

quelques pensées fuient

espérer un demain

plus vif

vendredi 13 janvier

regard concentré

sur une activité

rien ne la distrait

mains et esprit en accord

en avant d’elle

et puis s’en aller

l’esprit libre

samedi 14 janvier

immersion islandaise

en salle de cinéma

de l’eau des glaciers

des immensités de rêves

et les questions d’hommes

leurs construction et déconstruction

la vie quoi

dimanche 15 janvier

autre jour

à emplir plier et déplier

froissement de l’étoffe du temps

fatigue de la toux

et des inquiétudes

silence des mots

dehors le vent



 

lundi 16 janvier 2023

Viatique/67

 


Fixer l’écart de ce qui fait le jour. Ce qui tranche le regard. Ainsi que le fait le chant d’un oiseau quand il écartèle le silence.

Sans chercher de sens. Saisir juste ce qui s’offre comme on prête soudain attention au souffle qui va et vient. Sans rien attendre de particulier.

Les couleurs, les formes qui nous recentrent. Fragilité d’un instant à prolonger. Puis fermer les yeux et voir de l’intérieur.

samedi 14 janvier 2023

traverser l'éphémère

un seuil inachevé

un verset obscur

au goût d'oseille sur la langue

là où la nuit s'essouffle

là où la nuit s’enfuit

sans rien atteindre

 

jeudi 12 janvier 2023

L'homme-nuit

 


Nombreux, en ce temps-là, la révéraient.

Elle régnait nocturnement dans les profondeurs du ciel et de la terre, dans la première neige et dans le sang des femmes. Dans le souffle du vent, dans la marée du brouillard, cette mer sans rivage, et la voix du tonnerre. Là aussi, dans le silence des astres, des éclairs et de la lune noire. Dans l’abîme des mers et l’abîme des airs. Encore là, dans les gorges montagneuses côtoyant les cimes.

Sa puissance nous transformait. Son âme vivait en nous. Toute vie en était fortifiée.

Sans parler, tout nous parlait.

Pierre Cendors " L'homme-nuit" ( Quidam éditeur 2023)

mardi 10 janvier 2023

Jalousie des jours/ semaine 35

lundi 2 janvier                                          

l’interstice où

entre soi et soi

il faut se retrouver

le fil de lumière à saisir

fissile et diffracté

et la soif aux lèvres

d’un ciel

mardi 3 janvier

reprendre souffle

et faire place aux voix

celles du dedans

et celles du dehors

prendre le jour

à pleines mains

et avancer

mercredi 4 janvier

jours ajoutés

les uns aux autres

que le socle soit solide

pour grimper plus haut

toujours plus loin

poussée par le souffle

des souvenirs

jeudi 5 janvier

soif tout

le jour sans savoir pourquoi

soif d’eau de mots

du dehors et du dedans

soif de soi

soif de vent sur les blés

et d’assonances

vendredi 6 janvier

traduire les

émotions de l’enfant

de sa langue en naissance

à ma langue rompue

aux artifices et duperies

entre nous une

langue encore nouvelle

samedi 7 janvier

lumière où

avancer et laisser venir

ce qui le peut ou doit

murmurer un mot

quelque chose qui pèse

dans le silence

et puis continuer

dimanche 8 janvier

mer terrestre

labourée comme langue

grumeaux lourds de murmures

mots muets amassés

terre soulevée par la charrue

des morceaux de glaise se détachent

guéret à ensemencer



dimanche 8 janvier 2023

Viatique/ 66

 


Ce qui saisit là c’est l’instant où le regard se noie. Au moment du passage d’une vision large sur ce qui entoure à celle d’une intensité autre. Tout alentour n’existe plus.

On verse dans cet enclos que l’œil vient de révéler. Mais rien n’est fermé justement. Tout vient de s’ouvrir, comme ces fruits dont on écarte deux morceaux et qui livrent leur secret.

Un dedans-dehors où l’espace est poussé devant soi. Où le lointain se dépose à portée de main. Où une poignée de feu, lame froide d'un couteau, cisèle un passage de silence.

 

vendredi 6 janvier 2023

Choses qui surgissent et donnent le vertige

 (des aplats de nuages à l’horizon)

le regard croisé — moi derrière la fenêtre — lui dans la rue en surplomb — un garçon de treize ans environ — rentre du collège — plus jeune il venait souvent sonner pour récupérer son ballon dans le jardin --- il tourne la tête de mon côté — c’est lui bien sûr — mais dans le croisement de regards — il y aura aussi celui de son frère aîné — noyé dans un lac — il y a cinq ans peut-être — vertige du temps — être sur le seuil de deux mondes — et penser au poids qu’il porte malgré lui — ramasser le silence d’après —


 

mercredi 4 janvier 2023

Jalousie des jours/ semaine 34

lundi 26 décembre

des étangs                                                  

et leurs alentours

de grisaille ou de brouillon

dans l’attente d’un réveil

des nappes d’eau froide

à l’épaisseur glauque

un monde immobile

mardi 27 décembre

un jour

clouté de rosée

de petites perles de joie

qui pétillent sur un visage

de mots balbutiés

de tendresses éparpillées

pour qui regarde

mercredi 28 décembre

des rues

arpentées à quatre jambes

des livres ouverts

parcourus reposés emportés

un sac plein au retour

de cadeaux de menus plaisirs

partagés offerts

jeudi 29 décembre

pensées en

miettes après un départ

au bord du vide

passer le cap

la pensée du retour

comme viatique

pour passer le jour

vendredi 30 décembre

quand la

tristesse s’empare de soi

et diffuse ses remous

se laisser labourer

jusqu’aux dernières particules

patienter avant de retrouver

l’air et l’allant

samedi 31 décembre

lumière vive

marcher un peu

redresser le dos

et les idées

puis s’immerger dans

des images de montagne

au cinéma

dimanche 1 janvier

ciel nuages

reflets dans les étangs

plaisir de la concentration

sur les photos

errer sur des chemins

se raboter ainsi

à ce qui vient

 

lundi 2 janvier 2023

Jalousie des jours/ semaine 38

lundi 23 janvier                                    

errance numérique                                              

sur le plan de Londres

se souvenir de si peu

et pas de la géographie

rechercher les squares

les noms qui sonnent

nourrir le songe

mardi 24 janvier

aller creuser

ce qui semble intéressant

entre phrases brèves

et fragments plus denses

trouver le rouage

et ce qui peut foudroyer

et faire la mise au point

mercredi 25 janvier                                  

souvenirs remués

ceux de la petite enfance

qui sont encore si vifs

coulés dans la chair

on les dirait d’hier

ils bleuissent le corps

d'un paysage de cicatrices

jeudi 26 janvier

langue obscure

qui a nourri l’enfance

voudrais bien me souvenir

de l’apprentissage de la lecture

entrer dans une mémoire plus profonde

sentiment que ce serait là

le coudoiement avec le silence

vendredi 27 janvier

ici maintenant

cueillir ce qui est offert

les sourires et les rires

les yeux qui pétillent

touts ces petits bouts qui brillent

et font briller les yeux

une volée de pépites

samedi 28 janvier

naissance perpétuelle

d’un quelque chose à écrire

que l’on ne savait pas

partager cette passion

et permettre à la perception

de ces visions

de naître s’écrire et se lire

dimanche 29 janvier

pensées denses

parfois un peu confuses

mais vision nette

de ce qui pourrait être

jeter sur le papier

les grandes lignes

de ce qui sera



 

ERRE

 


le remous lent des souvenirs

et de tout le temps blanc entre

ça circule

sans bruit

« tout ça c’est du passé »



il y a du présent en surface on y est

on flotte

et puis plus loin dessous du temps



qui n’aura n’a plus cours

on y revient parfois

pour y dormir un peu reprendre

des forces retrouver

du sol

 

Antoine Émaz "Erre" ( Tarabuste 2022)