Une ville où l'on distingue chaque bruit est une ville de silence. La musique des voix, cet accent trainant,chantant. Parfois une familiarité un peu appuyée parce qu'on n'a que le temps de se croiser: "Ciao Roberto! Ciao Francesca"! - mais l'insistance sur la deuxième syllabe du prénom donne à l'étranger le sentiment d'une convivialité clanique dont il ne maîtrise pas l'ampleur. Le plus souvent, les Vénitiens ont le temps de se parler. Beaucoup de petites vieilles, de petits vieux avec leur dame de compagnie. Campo San Giacomo da l'Orio, ils se trouvent une place sur un banc rouge écaillé, et ils aiment la matérialité mélodique de leurs conversations croisées. Cela se sent. (...)A Venise, on s'écoute soi-même et on écoute l'autre avec gourmandise. La langue reste souple et solaire, quand les articulations deviennent réfractaires.
Sur le sol dallé, on entend des ballons qui résonnent, des cris d'enfants s'aspergeant aux fontaines, des roulements de patinettes. Des bruits qui montent vers le ciel et disent que les vieux et les petits ont toute leur place ici.
Philippe Delerm " Les eaux troubles du mojito" ( Seuil 2015)
2 commentaires:
Cette lecture serait-elle un indicateur que ton texte se peaufine ...?
J'y pense!!!!
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