Ve 13.4.2012
Comme je dois sortir, en soirée, et parler, je prends le parti, sacrilège, de m'abstenir de lire ou d'écrire. C'est aller à l'encontre de l'habitude contractée, voilà quarante-cinq ans, de consacrer chaque instant à réparer le préjudice générique, historique, dont je me suis avisé, alors, que nous étions victimes, sur la périphérie, depuis le fond des âges. Le temps qu'il me restait à vivre, je l'emploierais à tenter de démêler de quoi il retournait, afin d'agir à meilleur escient, de conjurer l'incertitude et le mécontentement qui en étaient la modalité vécue, d'être libre autant qu'il se peut. J'ai dû accomplir quelque progrès, desserrer imperceptiblement l'étreinte de la nécessité tragique, du continuel travail auxquels me condamnait ce projet de liberté, puisque je réussis à passer la matinée à ne rien faire qui vaille sans pour autant me juger passible de la peine capitale, et immédiatement exécutoire.
Pierre Bergounioux " Carnet de notes 2011-2015" ( Verdier janvier 2016)
1 commentaire:
comme c'est juste
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