J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 10 mars 2016

Les jardins statuaires




Est-on jamais assez attentif ? Quand un grand arbre noirci d'hiver se dresse soudain de front et qu'on se détourne de crainte du présage, ne convient-il pas plutôt de s'arrêter et de suivre une à une ses ramures distendues qui déchirent l'horizon et tracent mille directions contre le vide du ciel ? Ne faut-il pas s 'attacher aux jonchées blanchâtres du roc nu qui perce une terre âpre? Être attentif aussi aux pliures friables des schistes? Et s'interroger longuement devant une poutre rongée qu'on a descendu du toit et jetée parmi les ronces, s'interroger sur le cheminement des insectes mangeurs de bois qui suivent d'imperceptibles veines et dessinent comme l'envers d'un corps inconnu dans la masse opaque?

C'est le vide de toute part qui tâche et joue à se circonvenir et creuse lentement les lignes de la main de la terre. Les réseaux se nouent, se superposent, s'effacent. Les signes pullulent. Il faut que le regard s'abîme.

Pourtant d'autres contrées sont à venir. Il y aura des pays.

Jacques Abeille "Les jardins statuaires" ( Editions Attila)

Aucun commentaire: