Quand j'écris, je suis le lecteur. Ça ne coïncide pas exactement, mais dès l'instant où je relis ce que j'ai écrit, je suis ce lecteur virtuel, je suis moi-même en dehors. Et si je perçois ce que j'ai pu écrire, eh bien je fais confiance à tout lecteur. Tout lecteur est dans la position qui est la mienne à ce moment-là et il le percevra également. Je dois dire que ce que je viens d'écrire me paraît souvent obscur et que je ne le comprends pas tout de suite. Mais il ne s'agit pas, encore une fois, de comprendre ou de ne pas comprendre. Les mots ont une présence comparable à celle de quelqu'un avec qui l'on parle. Si l'on devait, au cours d'une conversation, s'arrêter chaque fois que l'on ne comprend pas ce qui est dit, alors la conversation n'irait pas très loin. Lire, je pense, relève de ce type de conversation impliquant deux êtres, au moins deux êtres en présence, qui ne font plus qu'un, quand il écrit ou quand il lit, puis redevient deux, comme dans une conversation.
André Du Bouchet
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