J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 2 mars 2021

Flou

à la croisée d’un dedans et du dehors – dans cet entre-deux flou – lunettes abandonnées vivre comme une myope – se nourrir de l’informe – être dans cette hésitation – masses sombres à peine mouvantes – taches blanches au sol – cela déborde contamine – le vert se fond dans le blanc ou bien l’inverse – de derrière la vitre tout n’est plus rien – le hublot de l’œil se noie – c’est le temps de l’indécision – de ce voile cotonneux capter les entours – les bambous de la rocaille sont des morceaux d’ailes – l’oiseau deviné sur la branche ne sera pas nommé – on parlera avec des peut-être ou des sans doute – faire fi du savoir – douce impression d’abandonner toute certitude – ne pas chercher à forcer le regard – se dire tout est flou en souriant – prononcer le mot dans sa délicatesse – il a à voir avec le souffle – il est plein d’air et nous emporte – il nous détache de ce qui semble être – rien ne commence rien ne finit – se sentir un peu dans la marge – avec un goût de liberté sur la langue – ne plus chercher à faire le net comme l’enfant qui plisse les yeux face au tableau empli de signes– voir sans regarder – écrire ce rêve flottant – le nuage qui passe une vague figure – la buée sur une vitre une énigme – on flotte dans des suppositions – l’évanescence de vies secrètes – s’immerger dans ce qui ne se distingue pas – ce qui est caché mais un peu révélé – revenir derrière la fenêtre et regarder tomber la pluie – enfin ces longs tirets d’eau qui vont du haut vers le bas – ces rides verticales comme une grille – il fait flou entre ciel et terre – se tenir dans cette opacité du visible – se vêtir de ces contours imprécis – baignés de couleurs brouillées – cultiver cette vision évanescente – emplie de vibrations – dévoilant et voilant des images – ce qui est le summum c’est la rêverie devant le feu – les flammes aux cents facettes – diamants qui s’allongent – carte intime de l’univers des songes – devenir rêveur de flammes – se laisser virevolter avec les étincelles qui s’étalent, se disloquent, s’étirent – se détachent du présent et créent leur propre monde – diffraction vers un ailleurs que l’on n’ose pas – à ras de souffle – dans un léger sfumato de peintre – des bribes d’incertitudes ou de promesses – présence et disparition entrecroisées – dans cet entre-deux où dedans et dehors se croisent et s’emmêlent – comment ne pas rêver de vivre dans cet asile de flou –


(Texte écrit pour l'atelier d'écriture proposé par  Laura Vazquez)

 

2 commentaires:

Ange-gabrielle a dit…

Oui, je suis à 100% au diapason avec ton texte. Se tenir là, juste avant le nommé,avant l'émotion même, au moment où elle va naître. Comme tu l'écris si bien : "douce impression d’abandonner toute certitude" –"enfin ces longs tirets d’eau qui vont du haut vers le bas" –

Estourelle a dit…

Je suis d'accord aussi !
Ce fut pour moi une décision d'enfant
devenir myope !