Mais les êtres dans mes textes ont des corps taillés dans les mots.
La Voix a sur moi un pouvoir surnaturel. Tous les êtres ont pour moi une voix comme un prénom. Je les reçois d’abord à la voix, au souffle, aux souffles, plus tard à l’aspect. C’est comme un plumage. Une allure de l’âme. La figure juste avant le visage. J’ai (eu) des amis à voix singulière, unique, parfois indissociable de leur présence en moi. Pour quelques unes, j’ai éprouvé une passion ou une curiosité secrète. De certaines, je m’étonne, elles m’intéressent profondément comme un tissu de soie sauvage dont le toucher nous fait rêver, or la personne dont elles émanent n’en ait pas maître(sse).
Tandis que j’évoque, je crois entendre un des sons qui me touchent du plus loin, c’est la litanie de la mer quand elle vient se rouler à nos pieds inlassablement comme un chat divin. En ces jours ici déshumains, on l’entend comme aux commencements du monde. J’en suis bouleversée ( tout à fait discrètement). C’est qu’il me semble entendre les chants de la mère avant les mots, cette scansion va me chercher au berceau, là où l’amour-besoin, ou le besoin-amour s’embrase.
Hélène Cixous "Lettres dans la forêt" (L'extrême contemporain 2022)

1 commentaire:
magnifique!
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