J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

jeudi 18 janvier 2024

Sarah, Suzanne et l'écrivain

 


De la peinture qui s’écaille sur un mur ? J’enlève, j’enlève les fragments qui se décollent. Un trou dans un pull, je l’agrandis avec le bout du doigt, jusqu’à ce qu’il s’élargisse et que je puisse y introduire le doigt tout entier, puis deux, puis trois. Les croûtes, quand j’étais petite, c’était un enfer, les plaies ne guérissaient jamais, de plaie en croûte et de croûte en plaie ça durait des semaines, mamie était obligée de me mettre des bandes. Car les sparadraps ! Les sparadraps, Paloma ! Non mais un sparadrap, quels délices que d’embêter le sparadrap, que de l’attaquer par les bords, que de le faire se replier sur lui-même, avant qu’il ne devienne une sorte de petite serpillière toute collante. Une fois, j’ai eu des points de suture. Tu imagines ! Je n’avais qu’une obsession, c’était de réécarter la plaie que fermaient les points de suture. Réécarter une plaie, empêcher une coupure de cicatriser, la rouvrir sans cesse, tu connais un plus grand plaisir toi ? Moi pas.

Eric Reinhart " Sarah, Suzanne et l'écrivain" ( Gallimard 2023)

1 commentaire:

estourelle a dit…

La quête de l'abîme? du vide?
plaisir et souffrance
entremêlé liés
confondus