J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 18 septembre 2024

Divagations/ 3

 

 
de mon étrange relation avec Virginia...

C’est durant l’été 2022 que va se produire un bouleversement dans ma relation à Virginia. Cela s’annonce avec Nervermore de Cécile Wajsbrot, dont l’achat remonte au printemps 2021. Un podcast de François Bon écouté à cette époque-là avait orienté mon achat. La littérature se tient là aussi dans ces podcasts ou articles qu’on lit sur des sites internet, sur You tube où se partagent ces coups de cœur qui nous font rejoindre une librairie rapidement car on le sent c’est ce livre qu’il nous faut absolument et dans l’instant. J’avais dû en lire une dizaine de pages, puis je l’avais reposé, l’époque étrange  m’avait entraînée vers d’autres horizons. C’est donc un an plus tard que j’ai abordé cette lecture,  qui a fait que quelque chose s’attardait, demeurait, se déposait en moi ou plutôt qui était en moi et que je découvrais. L’autrice fait le récit d’une traductrice française installée à Dresde menant un travail de traduction sur Le temps passe, la partie centrale de La promenade au phare de Virginia Woolf où la romancière anglaise tente de décrire le passage du temps au travers d’une maison inhabitée. Nevermore produisit un choc en moi.  Un passage venait de se creuser dans l’œuvre de Woolf. Tout ne s’éclairait pas d’un coup de baguette magique mais tout devenait possible. Et le livre posé,  après une seconde lecture immédiatement après, pour rester dans cette atmosphère où il me semblait essentiel de demeurer avant de passer à autre chose: il parle de traduction, de fantômes, de passé, de présent, de rencontre…, je me dirige près des rayons de ma bibliothèque où La promenade au phare patiente. Je m’immerge et comprends que je viens d’être hameçonnée par une écriture, dont je ne pourrais plus me défaire. J’ai la sensation qu’elle circule dans une tête, la mienne peut-être, qu’elle circule entre les pierres d’un chaos dispersées, et que le chemin se trace avec des images inattendues qui demeurent ( le portrait du père de famille en otarie). Quelque chose lâche prise en soi, comme si les mots que Virginia utilise l’étaient pour la première fois. To the light house est le titre en anglais. Il n’y a pas la notion de promenade, comme en français. Mais la lumière qui aimante. Et la notion de temps, à la fois la durée et le climat. Et ce corridor de dix années entre les deux parties du livre. Tout me fascine: les courants d’air – des esprits de l’air –, les échos des voix, les phrases qui se répètent, l’importance de la nature…

Je me replonge ensuite dans des nouvelles déjà lues,  puis L’art du roman, et Instants de vie, Le temps passe. Je décortique V.W. de Geneviève Brisac et Agnès Desarthe, qui insufflent dans le livre des citations de Virginia qui résonnent et me portent:

L’aptitude à recevoir des chocs est ce qui a fait de moi un écrivain.

Je suppose que je fis ce que les psychanalystes font pour leur malades. J’exprimai une émotion très ancienne et très profondément ensevelie.

Un dessin est caché dans l’ouate. Cette idée influe sur moi chaque jour. Je sens qu’en écrivant, je fais ce qui est plus nécessaire que tout le reste.

Le temps s’égoutte […]. La goutte se forme sur le rebord du toit de l’âme, et tombe.

…je hais les miroirs qui me montrent mon vrai visage. Seule, je tombe souvent dans le néant. Je suis forcée de me cogner la tête contre une porte bien dure, pour me contraindre à rentrer dans mon propre corps.

Je ne veux pas être "célèbre" ni "grande". Je veux aller de l'avant, changer, ouvrir mon esprit et mes yeux, refuser d'être étiquetée et stéréotypée. Ce qui compte, c'est se libérer soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves.

Tout au long des pages, je souligne de nombreux passages et reviendrai vers ce livre à plusieurs reprises... Les deux autrices se font passeuses d'une écriture qui ne me lâchera plus.

 

(à suivre)

1 commentaire:

estourelle a dit…

Trop beau!
et comme ça fait écho
dans les mots d'une littérature
qui hameçonne, c'est bien le mot
cette quête infatigable
qui nourrit et qui infuse