1/ Après une petite pluie matinale, une coulée d’air frais pénètre même sous la peau. Dans cet instant le corps est arrimé à un renouveau de vie. Jusqu’aux derniers recoins. L’esprit se descelle des liens de chaleur et semble plus souple, plus vivant, après l’aridité du muet. Comme des retrouvailles avec soi. L’illettré est traversé à nouveau par les mots. Comme avoir enfin tiré vers soi la couverture de la langue.
2/ En avant de ce qui cherche à s’écrire, avant même d’être énoncée, une parole. Mais entre les deux l’interstice qui aère les mots. Et le seuil où l’on se tient et que l’on ne franchit pas. De cette langue qui est en traduction, l’étrangère, faire son nid et se laisser porter par l’écorchure des mots. On se retrouve toujours sur son chemin. Enjamber les intervalles comme on saute les fossés.
3/ On souhaiterait des mots qui éclairent le futur. Qui donnent à penser ce qui se profile derrière les ombres. Quelque chose comme le mouvement du ciel avec les traces que l’on ne sait pas lire. Retenir par des mots nouveaux ce que l’on ne saisit pas. Ce qui demeure ouvert. Et le disant un réel se dévoilerait. Un dehors qui se saisit de soi sans avoir à sortir.
4/ Cet espace où trouver de l’air qui déchire, comme une écharde. Tenir corps et esprit dans ce courant d’air et se laisser recouvrir de ces copeaux du dehors. Les échardes d’air plantées sur la peau comme des onguents. Dans l’immobilité, se désaltérer d’air. Prendre le temps de la pensée. Dans la mémoire observer les trous et ses abimes. L’air circule là aussi comme des mots qui ont pris leur envol.
5/ Avec cette lumière d’été à nos côtés. Dans le cloître des jours et ses arcades d’ombres. Dans les langes des songes. Dans la soif de fraîcheur sous les paupières. Avec et sans tous ceux qui ne sont plus là pour épauler nos vies. Grâce aux mots des poètes vibrant et vivant entre les lignes. Et la mélodie des oiseaux cachés dans le feuillage. Se sentir encore debout sur le seuil
6/ Un lézard très attentif, une abeille, une coccinelle et l’esprit de notre jeunesse qui toujours veille. Dans ce lieu, la présence de ceux qui ne sont plus, avec qui nous avons ri, chanté, échangé, appris à être ce que nous sommes. Aujourd’hui nombreuses rencontres, paroles partagées avec des inconnus, connivences ou non mais malgré tout, étrange sensation d’exister, d’être là où je dois être. De l’après je ne sais rien.
7/ En marge, sur les bas-côtés, derrière un voilage, à la lisière des uns et des autres, pas très loin mais toujours un peu en retrait, il me semble que c’est ainsi que je me situe le plus souvent. Mais pas absente. À tenter de suivre le cours des vies, de la vie sans toujours bien comprendre le pourquoi et le comment de ce qui survient. Avancer encore avec les autres.
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