J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 10 novembre 2025

Ricochets/ Année 2/ Semaine 45

 


1/ Attendre des images, que l’on regarde défiler dans une vidéo exhumée alors qu’on la croyait définitivement perdue, que se lève quelque chose enfoui au fond de la mémoire et qui, par une sorte de résurrection, tenterait de redonner les mêmes émois, les mêmes sensations que celles ressenties lors de la prise de vues. Mais on n’est plus la même personne, et seule subsiste la joie de revoir ces lieux apaisants.

2/ Voir comment chacune s’empare de la proposition d’écriture dans un des ateliers que j’anime, est toujours une source de satisfaction intense. Et ce silence qui précède le plongeon dans l’écriture, et pendant l’écriture aussi, après la lecture d’un texte que j’essaie toujours de proposer qui a de l’intensité. Et l’énergie que je reçois ensuite lorsque j’écoute les textes. Et voir aussi la joie sur les visages lorsque l’on se sépare…

3/ Lorsque cela semble s’écrire au-delà de soi* : j’entends cela et n’écoute plus ce qui se dit après. C’est cela les Ricochets, quelques mots qui éclatent en tête et qui tracent leurs cercles de résonance, élargissant leur pourtour encore et encore et accomplissant le travail de maintenir vivante une pensée qui sans cesse se heurte à un réel où justement tout est fait pour que l’on ne pense pas vraiment.

4/ Ce serait comme une forme de jachère, de terrain intérieur en attente palpable. On sent bien qu’il y a quelque chose qui tremble, comme une barque qui balance au bord de la rive, encore près de la berge, mais prête à se glisser sur les eaux calmes du lac. Encore enduite de ces silences de la nuit et aimantée par la tentation d’aller vers l’avant de ce qui se profile.

5/ Je sais bien qu’il est vain de chercher à apprendre tout ce que j’ignore mais la boulimie de connaissances ne me lâche pas. C’est cette persévérance qui me rend vivante et désireuse de l’être plus encore. Rester avide devant l’incommensurable univers de savoirs qui m’échappe et dont je ne peux m’emparer, mais se dire que chaque jour il est susceptible de se faufiler quelque chose dont je n’avais pas l’idée.

6/ Flottement éprouvé devant le dire ou l’écrire, avec la certitude de la nécessité d’aller de l’avant malgré. On voudrait juste se laisser prendre le temps de regarder. Mais toujours, il n’y a rien à faire, ce besoin de dire. Concentrer toute l’énergie dans le voir, le regarder et taire le dire. Se contenir dans la mutité. Se tenir coi. Avec juste les paupières vers le haut, puis vers le bas.

7/ Traverser des textes sur des blogs ou des chaînes vidéos– amis je ne sais pas – mais qui me stimulent, m’interpellent, d’où cela résonne car il se passe quelque chose, une manière aussi de crocheter des mots, enclencher une phrase qui sans cela ne serait pas venue. On se tient sur le seuil, devant la porte ouverte, sans entrer vraiment, ou alors sur la pointe des pieds, pour ne pas déranger.

* Wajdi Mouawad



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