J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 20 février 2024

Ricochets/ 7

 


1/ Les paupières ne font barrage à rien. On a beau les laisser closes, dessous cela continue de s'agiter. Les nouvelles mauvaises envahissent l'envers ; nul retour en arrière n'est envisageable: samedi sera encore jour de funérailles. On se sent incapable d'apporter de l'aide ou du soutien. Les mots nous filent entre les lèvres, et une sorte de pluie crépite dans le dedans. Les souvenirs du temps d'avant s'amassent en surface.

2/ Quand la réalité s'avère un peu trop confuse ou incertaine, il n'y a rien d'autre à faire qu'à tenter de ne pas perdre pied, et s'accrocher aux branches qui tendent obligeamment quelques rameaux pour ne pas sombrer. Aujourd'hui ce seront les bras et le sourire d'une petite fille qui réclame encore et encore des histoires à lui lire ou à lui inventer. On voudrait tant la protéger des nuages noirs.

3/ Cela remue dans les buissons. Quelque oiseau se plaît à jouer à cache-cache, se dissimule puis happe une baie avec promptitude, pendant que mon regard le cherche un peu à droite. Le paysage se froisse et se défroisse à vive allure. On a le temps de rien. Des présences secrètes s'activent ici ou là. Un peu de vie s'est infiltré dans l'air. On peut désormais arpenter les sentiers du jour.

4/ Cela tombe sur les épaules et t'enfonce dans la terre. L'esprit n'a plus son libre arbitre et tourne au ralenti. Tu sens bien que tu veux trop en faire et que c'est peine perdue. Alors venir habiter le rien, même si tant de choses restent en attente. Le rien des mains et le rien de la tête, et attendre que l'énergie revienne. Que tout reprenne place en soi. Renaître du rien.

5/ Ici reste le lieu de mon devenir. Ici c'est à dire entre les pages de livres qui me requièrent. Dans les silences qui passent entre les mots qui se murmurent. Dans les visions offertes, dans ce que l'on devine ou imagine entre les lignes c'est bien le lieu qui compte. C'est le lieu de l'enfance ressuscitée. Je dépends de cet univers plus que de tout autre. C'est un linceul d'encre.

6/ Encore un peu sous l'emprise du vertige, après l'écoute des discours ou plutôt des évocations d'un qui est parti. Découverte de facettes dont je ne savais rien. Quelqu'un qui sera regretté, qui manquera beaucoup à certains, comme souvent après un décès. Je surnage entre souvenirs et compassion pour mon amie sa compagne. Et tente de me dépêtrer des rets d'un fondu au noir qui pleure, s'étale telle une longue nuit.

7/ Ce serait peut-être comme élargir sa mémoire. Y laisser pénétrer des lumières dont on ignore tout. Des fractions d'instants pris dans une intense étreinte. Une expansion de soi où il fait bon renaître. Ressentir ce courant d'air ou ce tourbillon qui soudain caresse la peau. Abandonnant dans son sillage quelques milliers de poussières presque invisibles. Manière de se donner une autre allure, une profondeur nouvelle afin de nourrir les mots.

1 commentaire:

Estourelle a dit…

C'est juste beau l'écriture...