aller chercher le souffle tout au fond
là où respire l'ombre
là où se murmure l'absence
tisser ces peaux de lumière
J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)
aller chercher le souffle tout au fond
là où respire l'ombre
là où se murmure l'absence
tisser ces peaux de lumière
La rue ouvre sa gorge. Le pas se hasarde vers le dehors. Du couloir de l’immeuble au macadam du trottoir. Avalé par la vie de l’ailleurs. Penser : tout va bien.
Ne pas poser le pied sur une ligne tracée. Longer les boutiques. Des odeurs de peut-être s’échappent de l’une d’elles. Mais ce n’est pas le jour du petit pain au lait.
Numéro treize. Elle va descendre et le trajet se fera à deux. Attendre, l’air de rien. Penser à l’épaisseur des heures à traverser. Elle sort de l’allée. Rires d’enfance.
*
À deux, la rue se fait complice. Le cartable à bout de bras, on fait illusion. Les hésitations sont remisées au fond. On marche sans savoir. Les lendemains sont encore loin.
La place à traverser et le ciel à rêver. On voudrait bien attraper au vol quelques songes d’aventures, poser les yeux sur le frémissement d’une branche, s’abreuver à la sève d’un peu de réconfort. Le regard se déplace, car le temps est compté.
Face à la grande avenue. La rue de tous les dangers. Le petit bonhomme sait si on peut ou non aller vers l’au-delà. Sous les pieds, les soupçons du doute sont en train de germer.
*
L’entrée se fait par la petite porte tout au bout de la rue. La tête se baisse un peu, la journée va vraiment commencer. Tout va bien, on n’est pas en retard. Soulagement.
Dans la cour, cela bruit, cela s’agite, cela affole. Vite, les lunettes dans leur étui marron. Les mettre à l’abri dans le cartable. Une paire de lunettes, c’est cher.
Alors l’incertain gouverne. Tout s’étale et se dilue. Sensation de flotter. Les silhouettes s’emmêlent. On voudrait bien avoir une vision claire du monde. Mais il va falloir s’habituer à déchiffrer l’invisible.
Texte écrit lors d'un atelier d'écriture du mardi animé par François Bon, en écho à un texte de Leslie Kaplan
de l’oubli / ne pas / le chemin à tracer / le temps du rêve présent /
à la surface des sillons / les failles / et le cœur où aller / point de vie /
psalmodie aux lèvres / un jadis surgi des friches / à ras de terre / faire flou en un
hors d’encre / l’œil en ciseau / copeaux flottés / les replis remuent / les
averses de silence circulent / des ronds de riens sacrés /
grain par grain / jusqu’au blanc / de l’égarement / de l’informe / du
débordement / du précaire / papyrus d’une géographie / un ciel sans pudeur
ça tremble / le cœur battant / un lieu / un cri /
(texte écrit lors d'un atelier en ligne du mardi avec François Bon)
dans la ville noire
des voix comme des sorties de secours
dessous s'ouvre la terre
où s'ancrent nos futures nostalgies
de l’oubli / ne pas / le chemin à tracer / le temps du rêve présent /
à la surface des sillons / les failles / et le cœur où aller / point de vie /
psalmodie aux lèvres / un jadis surgi des friches / à ras de terre / faire
flou en un hors d’encre / l’œil en ciseau / copeaux flottés / les replis
remuent / les averses de silence circulent / des ronds de riens
sacrés / grain par grain / jusqu’au blanc / de l’égarement / de
l’informe / du débordement / du précaire / papyrus d’une géographie /
un ciel sans pudeur ça tremble / le cœur battant / un lieu / un cri /
(Texte écrit lors d'un atelier du mardi animé par François Bon, en écho à un texte de Jacques Dupin et face à une reproduction d'un tableau de Helicopter Tjungurrayi "Trou d'eau à Karulyar")
Oui, les épiphanies, on les attend, on les recherche, mais elles n’arrivent pas toujours. Les épiphanies sont aussi ces intuitions qu’on a de ce qui va se passer. Je cherche ce qui se dérobe, ce qui ne peut pas s’expliquer, ce qui, peut-être, n’existe pas, mais qui peut exister si on se tient aux aguets. Il ne faut surtout pas être volontaire. Quand on écrit, on ne doit rien forcer. On doit seulement être dans le flux, dans le mouvement de la découverte, se laisser dépasser par ce qui sort de soi. Parfois le miracle se produit, parfois non. (…) la seule chose que l’on puisse faire, c’est de préparer la venue de l’ange du mieux que nous le puissions. Après, il vient ou il ne vient pas.
Jon Fosse "Écrire, c'est écouter" ( L'Arche 2023)