« Parfois,
une trappe s’ouvre dans le décor quotidien. Vous étiez passée
mille fois devant, sans la voir, et soudain vous vous engouffrez dans
la brèche, c’est magnétique. C’est un passage dans le temps ou,
mieux encore, un empilement : plusieurs époques cohabitant dans
un même espace. Vous avez vingt ans ou cent ans, et ce fantôme,
derrière vous, en a autant. Je crois qu’on est arrivés :
rez-de-chaussée, tout le monde descend. »
(...)
« Le
passé n’existe pas, prétend-il. Si on est visité par des
souvenirs si tenaces, si l’on parle du passé, si on
le désigne par un mot (quel qu’il soit), si l’on est habité par
son idée même, alors il est présent. Présent et
vif. »
(...)
« Je
déteste quand on représente les anges sous forme de bébés potelés
et ailés qui jouent de la musique : ils sont comme des hydres
ou des coquecigrues, ils n’existent pas, et c’est monstrueux de
les avoir inventés. Dans la réalité, les anges ressemblent à toi
ou à moi, ce sont des gens très beaux qui apparaissent et qui
disparaissent, c’est tout. »
(...)
Le
jeu auquel joue Théo se précise. Que les pensées sauvages
continuent leur migration ! et que certaines, plus sauvages
encore, s’échappent de l’escadron pour suivre une voie inédite :
qu’elles surgissent sans crier gare, c’est très bien ainsi.
Qu’elles viennent visiter Théo sous la forme qui leur chante :
celle d’un souvenir ou celle d’une fable, libre à elles. La
règle du jeu consistera à les distinguer ; non pas pour en
éliminer une, mais pour choisir les deux ensemble. Les garder toutes
aussi sauvages que possible ; apprendre seulement à connaître
leurs cachettes, à les observer dans leur milieu naturel, à les
accueillir quand elles déboulent. Et apprendre à la petite cervelle
de Théo comment trouver son chemin entre ces mondes, comment choisir
l’aventure quelquefois, un refuge d’autres fois.
Antonin Crenn " Les Présents" (Editions Publie.net 2020)
1 commentaire:
Curieux, je suis entrain de lire des contes de Mircéa Eliade regroupé dans un livre intitulé "Le temps d'un centenaire" qui fait étrangement écho à ces quelques lignes de A Crenn
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