Croc-Blanc, au début du merveilleux roman de Jack London, est un tout petit chiot délicieux et humide. Il vient de naître. On ne peut pas vraiment dire qu’il ait « vu le jour » en naissant car la louve a mis bas tout au fond d’une grotte. Petit à petit, en l’absence de sa mère, il explore l’espace qui l’entoure à l’intérieur de la cavité tellement obscure. Le louveteau minuscule voit soudain, au fond de la caverne, comme un rectangle blanc dans la pénombre. Il se dirige vers ce « mur de lumière ». Il ne sait pas que ce « mur de lumière » s’ouvre. Que cette page de lumière permet de sortir dans la beauté du monde. Il découvre dans l’exaltation que cette paroi de lumière est un espace libre, qui se traverse, qui donne accès à un tout autre royaume que cette poche si étroite et si sombre où il était à vivre jusque-là dans la faim et le confinement. Il avance prudemment sa patte sur le rectangle de lumière.
Le mur lumineux s’ouvre.
*
Le livre s’ouvre.
Lire réécarquille le passage vers la vie, le passage par où la vie passe, la brusque lumière qui naît avec la naissance.
Lire découvre la nature, explore, fait surgir l’expérience dans la pâleur de l’air, comme si on naissait.
Pascal Quignard " L'Homme aux trois lettres" ( Grasset 2020)
1 commentaire:
je suis sonnée sonnet ce matin après avoir refermé Yoga d'Emmanuel Carrère. Oui, lire fait tout ce qui est écrit et bien plus encore. Lire fait écrire aussi, j'y vais.
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