Dans ce grand silence de fauche où chercher ma fontaine sauvage
Allez, allez, marche, marche dans l’herbe du petit jardin, marche — rien d’autre, pas grand chose, et à peine poser mains dans terre, ça.
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Il y a poème-poème et poésie-poésie, puisque depuis toujours les hommes se chauffent autour de leur feu je rêve moi-même d’encore couper, fendre, ranger, bûcher, brûler, chauffer, cuisiner comme milliards d’hommes depuis toujours, depuis toujours — or c’est une vraie question, première, d’importance, essentielle : mais c’est quoi, au juste, la poésie ?
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S’il faut regarder longtemps une toile cirée ou quelque chose comme des lichens pour se persuader de l’existence de la toile cirée ou de quelque chose comme des lichens — et plus encore : s’en satisfaire — alors il faut regarder une toile cirée et quelque chose comme des lichens, et, encore, habiter l’aube, habiter les promesses, « car c’est au plus enfoui qu’on trouve les plus grosses châtaignes ».
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Mais parfois le poème est une perceuse-visseuse 18 volts à renvoyer les angles — et d’autres fois c’est le feu des passages, le feu des surgissements — puis j’en reste à triturer cette matière et sans ce triture-là, sans ce silence, sans ce gros silence de triture — et parfois même je me sens comme ces vers qui ravagèrent ma première récolte de fèves, et parfois je pense au bruit de la manducation, leur trituration de fèves, de protéines, quand le silence du soir finissait par venir tout envahir — et d’autres fois je sais trop bien comme il faut laisser sa place au silence, laisser le silence venir, laisser ça, le silence, ne rien faire, ne rien dire, ne rien triturer — surtout rien triturer.
Sébastien Ménard " Quelque chose que je rends à la terre" ( Editions Publie.net février 2021)
1 commentaire:
Oui, c'est exactement ça : le silence, ne rien faire, ne rien dire, ne surtout rien triturer, regarder longtemps, poser les mains sur la terre, la prendre à témoins, observer, pénétrer et rentrer dans le silence
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