J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 22 janvier 2024

L'échec


 

De tous les verbes de la langue française, faillir est celui qui m’est le plus cher. Il semble hésiter entre deux sens, comme s’il oscillait entre débâcle et prudence, puisqu’il dit à la fois la capitulation (l’échec, le fiasco, le four, le ratage…) et l’évitement (ne pas faire, manquer de peu, se raviser…). À ses yeux, si tant est qu’un verbe ait des yeux (hum), il semblerait que se fourvoyer et ne pas s’engager soient les deux faces d’une même pièce, lancée très haut dans le ciel des décisions. Faillir, c’est aussi bien faire et ne pas faire ; se planter et ne rien semer. Échouer, c’est aussi, notons-le, arriver, certes mal en point, mais arriver néanmoins, tant qu’à faire sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés. Celui qui faut (troisième personne de l’indicatif pré-sent du verbe faillir, j’ai vérifié, merci) rate en conséquence sa cible, qu’il ait ou non décoché sa flèche.Mais ce qui me fait aimer ce verbe, c’est aussi,c’est surtout la présence en son pli du mot« faille », qui dit aussi bien la fêlure que la faiblesse, la brisure que l’espace par lequel s’engager, et sert donc de ligne d’horizon – de ligne de faille ? – à celui qui écrit et qui, immanquablement, faut.

 Claro "L'échec comment échouer mieux " ( Editions autrement 2024)

1 commentaire:

Estourelle a dit…

Et en hébreu on traduit de fàçon raccourci "Rata" par pécher - commettre une faute - mais qui signifie plus près du mot: rater la cible :חֲטִא
Et j'aime beaucoup le mot faille...