J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 26 février 2024

Ricochets/ 8

 


1/ Des longs silences, que peut-il bien naître ? Cela s'épanche sur les carnets d'écriture, cela coule noir avec quelques taches, puis cela se dilue. Cela ne mène pas très loin. Mais il semble, malgré tout, que l'on a fait un bout de chemin. Que l'on a cueilli quelques fleurs sur le bas-côté du sentier. Que le ciel est moins gris. Un frémissement du simple, du pas grand-chose et du vrai.

2/ Les premières minutes du matin quand tout se remet en tête: les choses à faire en ce jour, les messages à envoyer, des ateliers à préparer, un livre à entamer ou bien à achever, le tout drapé d'ombres noires qui ne parviennent pas à s'évaporer. Et savoir que le sourire et la fougue de l'enfant vont tout faire valser, que rien ne sera comme prévu et que l'important c'est elle.

3/ Et aller chercher dehors de quoi tenir bon dedans: il n'y a rien d'autre à faire si l'on veut se réaccorder, même imparfaitement, à qui on est, à cet écheveau embrouillé dans le dédale qui nous représente. Le chahut du dedans. Et le silence mêlé dans les recoins de la voix. Comme au bord d'une tombe. Sans boussole. Ensuite, comment cela bouge encore en soi. Comment cela recommence à vivre.

4/ Dans cette sorte d'enclos qu'est la pensée, fleurissent, à certains moments de nos vies, des fulgurances qui nous semblent d'une telle évidence, à défaut d'une belle intelligence, et qui redonnent confiance dans l'être que l'on est, et que l'on sous-estime trop souvent. On semble soudain revêtu d'une lucidité presque trop vive pour pouvoir durer. Il ne faut pas oublier : ces moments-là sont à se remémorer lorsque tout semble foirer.

5/ Se sentir parfois à côté de la plaque, être là, mais pas vraiment. Se sentir à côté, légèrement décalé. On voit bien où il faudrait se tenir, mais non, on reste à part, sur le bas-côté, à regarder ce qu'il se passe tout près. On est ni dedans ni dehors. On observe, on rumine, mais on ne fera pas un pas pour rejoindre les autres. C’est être soi dans l'entre-deux.

6/ un peu de blanc entre les mots, entre les êtres, entre les vies. Pour leur donner du poids, leur assurer un équilibre, une voix. Permettre la circulation d'air, un passage entre deux, une parenthèse de lumière. Une vie en mouvement, une création d'un soi, où s'immisce le rien, une autre phase d'être. Une interrogation sans réponse claire ou définitive. Sans clôture sur lui-même. Toujours en perpétuelle construction, brisure et reconstruction.

7/ Réaliser que le temps passé à travailler, ce qui signifie pour moi écrire et lire, est un mouvement et un souffle de vie. Il n'y a pas de magie dans les mots, mais ils permettent qu'ils soient lus ou écrits de voir et de vivre. De se tenir entre soi et soi, au plus intime. Dans la traduction de ce que les mots induisent. Ils prennent grand soin de l'être.





1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Il y a tant de sens dans tes phrases que je pourrais faire mien, mais que toi seule peux écrire !
J'adopte à 100% le §6
Pour le § 3, j'agis exactement à l'inverse "Aller chercher dedans de quoi tenir bon dehors", en définitive pour arriver au même résultat.
Je ne me lasse pas de lire, lire et relire chaque § pour le sucer ...
Bonne semaine