J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 30 avril 2024

Ricochets/ 17

 


1/ Il passe le long de la haie, se glisse sous les branches basses, en ressort avec un trophée qu'il s'empresse de dépiauter allongé sur l'herbe bien coupée de la pelouse du gîte. Le renard ne sait pas que je l'observe derrière la porte vitrée, que je prends des ribambelles de photos, et le suivrai du regard pendant toute son errance pour compléter son petit-déjeuner entre les buissons jusqu'à son évanouissement.

2/ Un vol d'hirondelles tourne et retourne sans fin sur ses coups d'ailes qui happent le regard. L'enfant est toujours là à s'envoler sur le dos de l'oiseau, à survoler le monde et ses incohérences, à espérer ce pauvre éblouissement où affleurerait quelque lumière. De cette vision se reconstruit un présent pour quelques instants, entre feuilles et branches frôlées, arabesques dessinées, dévoilant, effaçant, réécrivant un réel, entre un ailleurs et ici.

3/ Dans un ici dont je ne sais rien, que je traverse, avec un regard neuf et curieux, à prendre des photos pour fixer les souvenirs de demain, suivre le chemin indiqué par les flèches. Passer sous un abri, comme un temple zen ouvert sur les côtés, face à un paysage de douceur, et lever la tête, accrocher le regard à cette charpente particulière et se sentir propulsée dans un ailleurs.

4/ Un entre-deux où se mouvoir, comme un espace surélevé ou en retrait, où vivre se poursuit mais d'une autre manière. Les bruits sont autres, les arbres ont d'autres peaux, les couleurs de la terre une autre teinte. C'est un autre lieu où se parle le silence. Des gestes se défont, des murmures se déposent du bout des doigts, à pas plus lents, les pensées s'infiltrent dans cette archéologie des jours.

5/ Au-delà du carreau de la fenêtre, un paysage qui ne m'est pas familier, que j'oublierai sans doute très vite, et pourtant il happe mes visions: un hameau niché dans un creux sur l'autre versant, des nappes de brume voguant au-dessus de lui, du vert imprimé de cette pluie qui s'écoule sans bruit, et au premier plan la branche d'un arbre dont je ne saurai rien. Une carte postale aux hirondelles

6/ Comme dire cette fascination pour le lichen... Pour ce que personne ne regarde vraiment, qui vit çà et là, qui survit depuis des millénaires, absolument partout sous ses formes diverses. Pour la texture du mot que les poètes ont cherché à faire rimer avec kraken, renne, haleine, et pourquoi pas peine. Pour cet imaginaire dont il est porteur lorsque, étalé sur une pierre, sa calligraphie me convie à la rêverie.

7/ Se confronter au rien. On le sait depuis l'enfance, avec l'inscription gravée au-dessus d'une porte dans la maison de vacances, que tout n'est rien. Et si on inversait la sentence et que l'on se mettait à murmurer que ce qu'on croit n'être rien, finalement est tout. Voilà ce qui importe pour ce jour: le vol d'une hirondelle, une branche bercée par le vent, des coquelicots sur un talus... Rien... c'est tout.



1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Semaine de vacances riche d'images glanées dans l'horizon immédiat : renard, hirondelles, lichens, brumes, pluie ...cette errance du regard et de l'esprit ne fait pas de bruit, a le son du silence, nous fait percevoir le bruissement du monde fait d'immenses riens et nous conduit bien loin du brouhaha et de la cacophonie habituelle. Merci pour ces mini- vacances que tu nous offres.