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Serais-je atteint de solastalgie, cette écoanxiété qui nous gagne lorsqu’un paysage
que nous aimons se détériore de façon plus ou moins définitive ? Se poser une
telle question, c’est déjà établir une relation entre paysage et intériorité.
Schématiquement, il existe en effet trois catégories d’individus :
tout d’abord, les amoureux de l’espace du dehors : ils ressentent l’appel du large,
affectionnent les grands espaces, l’aventure, le contact physique avec le monde
extérieur. Généralement, ils se méfient de la psychologie, rejettent ce qu’ils
appellent de façon dépréciative les états d’âme. Dans le monde artistique, ce sont
par exemple certains écrivains-voyageurs, toujours en partance vers une nouvelle
destination ;
ensuite, ceux qui au contraire donnent la priorité à l’espace du dedans :
sismologues de leurs pensées, de leurs émotions, ils empruntent les labyrinthes de
l’intériorité, aiment pratiquer l’introspection. Des écrivains, des cinéastes créent
ainsi des œuvres qui privilégient le huis clos, où le paysage n’est au mieux qu’un
simple décor dénué d’importance ;
enfin, les personnes qui, aussi fascinées par l’espace du dedans que par l’espace
du dehors, tentent d’établir un dialogue entre les deux. En mêlant intériorité et
extériorité, elles ont conscience de projeter sur le paysage ce qu’elles ressentent
ou imaginent ; en retour, elles acceptent de s’ouvrir à ce que le paysage leur dit.
Henri Gilbert " L"immensité intime" (Poesis 2024)
1 commentaire:
J'aime bien les troisièmes personnes!
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