J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 22 mai 2024

Ricochets / 20

 


1/ Au bord des chemins, comme des grumes en attente de remorquage, il faudrait pouvoir déposer les soucis, les lourdeurs de la vie et tout ce qui entrave. Les bras libérés, il ne resterait plus qu'à cueillir les fleurs des bas-côtés, à serrer les bouquets, à respirer les parfums d'impatience, à reprendre sa route, sans se retourner, chantonner un peu, sourire à l'air vif sur le visage, et aller de l'avant.

2/ Cela fictionne en tête. Un miroir se promène le long des chemins où les pas entraînent. Le parcours de la fiction et l'errance de la balade se rejoignent, s'épaulent et se nourrissent, fusionnant leur atmosphère, créant leur propre style, sans savoir où cela les conduit. On est guidé par la curiosité, celle qui pousse tous les battants de portes, celle qui oublie toute peur. On se sent proche du rêve.

3/ Le réel de l'imaginaire se dilue dans les pensées, à nous de le considérer à sa juste valeur et de l'explorer avec l'attention requise.Tout est en mesure de devenir fiction. Le meilleur comme le pire. Faire fonctionner la marmite à fictions : se saisir d'un peu de réel, saupoudrer une pincée d'idées folles, ajouter de nombreux détails, laisser mijoter, remuer, assaisonner de quelques épices, goûter, ciseler quelques mots bien choisis.

4/ Se recréer le temps d'être lisant. Chaque lecture fait acte créatif dans l'esprit de celui qui se laisse toucher par les mots. Un paysage intérieur se met en mouvement, différent du paysage d'un autre lecteur lisant le même livre. Un soudain qui nous fait autre, une fois nourri de notre lecture. Notre être intérieur s'est agrandi pour avoir foulé les chemins d'un livre. Parfois on est perdu, un peu dérouté.

5/ Le ciel ne parvient pas à épuiser sa grisaille. Il la décline en lettres majuscules, sur les lignes et dans les interstices, à l'endroit et à l'envers, jusqu'à recouvrir les marges où, même là, rien ne s'écrira d'autre que les traces d'un entre-deux du jour. Déjetées, les pensées ne retrouvent pas le chemin à suivre et se perdent, avec désolation et regrets, en des commentaires météorologiques qui n'en finissent pas.

6/ Sur quel mur prendre appui, alors que le monde, tout autour de soi, semble s'écrouler ? Le mur lui-même est plein de fissures, d'anfractuosités où s'échouent les pensées...Du bout des doigts, on continue de creuser, laissant tomber à fleur de terre de la poussière de pierre, et toutes les brisures de mots qui ne trouvent pas leur voie. Au plus près de l'œil, on ne récolte que de la dissonance.

7/ Une petite rose isolée dans un vase sur le bureau, avec un paravent de feuilles en son dos pour se protéger des courants d'air. Elle semble toute timide, baissant un peu la tête. Ses pétales hésitent à s'offrir à la lumière et. dans le vase transparent les épines semblent démesurées. La dévisager, avec cette tendresse nécessaire, comme si un miroir face à moi, et lui souhaiter une bonne journée malgré tout.



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