Je suis moi par habitude, comme une salle d’auberge vide qui se souvient de ses hôtes absents, comme un carrefour abandonné. La pluie va venir.
Le vent traîne sur le perron de ciment, avec le bruit de journaux qu’on froisse, de grosses feuilles d’aristoloche desséchées. Puis il se jette dans les rideaux bombés comme des voiles et tire de leurs plis la triste odeur des cigares éteints. Le lait fume sur la grosse nappe grise, près du pain gris et du beurre couleur d’orange. Une cuiller de plomb est fichée de biais dans un verre à côtes plein d’une gelée de fruits trouble comme un vin mort. La femme est retournée dans sa cuisine. Je reste seul dans cette salle avec le matin de novembre qui commence, comme lui sans force, inexplicablement heureux.
Gustave Roud "Air de la solitude" ( Editions Zoé)
1 commentaire:
Très beau texte qui fait presque aspirer à l'automne alors qu'on entre avec peine dans l'été. Ces feuilles d'aristoloche me font rêver !
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