J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mardi 22 octobre 2024

Ricochets/ 42

 


1/ N'y aurait-il pas, en chacun de nous, un spectre à libérer? Un spectre, un fantôme, ou une simple araignée accrochée à nos chairs. Quel que soit le nom qu'on lui attribue, et araignée étrangement me convient, il reste à évaluer la place qu'elle réclame, à tester la teneur de sa toile ou à la recueillir dans le creux de la paume, ouvrir grand la fenêtre et lui souhaiter bon vent.

2/ À chaque instant tout peut basculer. L'indifférence, l'oubli, la mort prennent le dessus. Entre les lèvres serrées, l'amertume s'écoule. On a beau frotter pour nettoyer les vitres, on n'y verra pas plus clair. On ne peut faire disparaître la buée intérieure où les visions se dédoublent, se revêtent d'une poussière d'étrange, effleurant même l'absurde, se recroquevillent jusqu'à abandonner des résidus, comme du sucre caramélisé, dans les alvéoles de nos vies.

3/ Le temps d'une mésange dans la houle du matin. La sensation que c'est elle qui a raison. Voleter de branche en branche, de bouleau en buisson, de présence en absence. Elle glisse dans l'air comme sur des plis de soie. Broderie sur la nappe du jour mussée entre arabesques, brins de bruyères, brindilles esseulées, gouttes de rosée, ajours où se faufilent les mémoires enlacées de ceux qui ne sont plus.

4/ Des fragments d'un présent se mêlent aux fragments d'un passé qui s'avère déjà lointain – il me semblait pourtant que c'était hier. Des chansons se fredonnent que l'on chantait tous ensemble, l'un ou l'autre grattant une guitare, les autres ajustant leurs voix pour créer une harmonie. Le monde semblait plus doux, on se sentait heureux. Le rideau des vies déchiré, des voix manquent pour chanter File la laine, filent les jours...

5/ L'étymologie d'un mot est comme un oculus où se propulser dans le passé. On se prend pour un explorateur de la langue, ajustant par cette recherche dans les langues latines ou grecques, notre idée du mot en question. On aime à voir le chemin qu'il a parcouru au fil des siècles et comment une petite part d'indicible cherche à se manifester avec ténacité au travers des couches de sens assemblées.

6/ La lecture se pose, se conçoit comme un acte de reliance, et une démarche de pousser sa pensée, d'accepter qu'elle se métamorphose au contact d'un texte, d'un livre. Elle demande donc une concentration et une acceptation d'entrer dans une zone de perturbation. Se tenir dans l'acte de lecture comme un petit enfant à qui on raconte une histoire et qui en réclame une relecture et encore une autre sans l'épuiser.

7/ Un trop plein de lumière diffusée sous des verres. Un trop plein de couleurs toutes plus chaudes les unes que les autres. Un trop plein de sensations que l'on ne peut gérer qui incisent la tête. Il faudrait se tenir à bonne distance de ce qui brille, à ce qui jamais ne cesse. On voudrait de la brume et du gris car l'œil ne peut fixer la lumière trop longtemps.

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