J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 28 octobre 2024

Ricochets/ 43

 


1/ Le motif de certains récits, quelles que soient leur longueur et leur densité, découle d'un amont dont on ne reconnaît pas toujours la source. Le ruisseau de mots se détache en cours de sinuosité, advenu en esprit parce que c'est l'instant désiré, et cela s'écrit sans trop avoir conscience de ce qui se trame dans ce qui va suivre. Il y a la nécessité de s'altérer à ce qui jaillit.

2/ Lire le jardin ou le monde qui nous entoure demande des compétences que je n'ai pas. Ou dont je ne possède que des bribes. Je ne conçois que des images séparées, qui s'ajoutent les unes aux autres, mais il faudrait les ajuster entre elles pour comprendre quelque chose à ce qui nous cerne. Utiliser une grammaire de coordination pour relier les relations secrètes, cachées entre les êtres et les choses.

3/ Comment ça racle les idées noires qui surgissent sans prévenir, comment ça sarcle entre les neurones qui restent. On se retrouve écorché, le chandail perd ses mailles, des béances s'élargissent. On s'accroche où on peut, comme on peut avec les doigts qui se déforment et qui n'ont plus de force. Puis le tourbillon s'en va plus loin, on revient vers soi, l'horizon se fait jour sur la toile de fond

4/ Aux murs, dont on détache les étagères après avoir sorti les centaines de livres qui reposaient ici depuis tant d'années, restent accrochées les conversations échangées là. L'appartement se vide, c'est une vie qui s'est terminée. On sauve du néant quelques livres voués à la benne et des souvenirs refont surface, là devant cette grande reproduction de Van Gogh, aux couleurs très pâles, presque éteintes.

5/ Le temps de contempler la chute d'une feuille qui tourbillonne, et s'apaise l'esprit. Elle s'est détachée de l'arbre à l'instant qu'elle a choisi. Elle descend et mon regard la suit jusqu'au sol où elle rejoint d'autres feuilles déjà sèches. Sacraliser l'instant où l'esprit s'est arrêté de rêvasser et s'est retrouvé dans la chute d'une feuille jaunie, donnant à voir, à penser, à partager ses dernières secondes de vie, sa mort.

6/ Sans imagination, point de vie intéressante. Se tenir aux aguets des vibrations qui sinuent entre les instants qui se déroulent sans que l'on ne maîtrise grand chose. Mais imaginer fait vibrer ce qui existe ou que l'on considère ainsi, et réchauffe des heures bien insignifiantes si cette petite étincelle ne jaillissait pas à l'impromptu et ne nous entraîne sur les sentiers du songe. Comme une voyelle glissée entre des consonnes.

7/ Dans mes errances numériques, je lis "c'est un jour de lichens" de Henry David Thoreau, extrait de son Journal, et il me faudrait dans l'instant me le procurer, pour lire ce bout de phrase dans son contexte. Il se pourrait bien que ce jour soit un jour de lichen pour moi aussi, un de ces jours où l'esprit s'accroche entre les lignes puisées ici ou là où l'on peut s'oublier

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