J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 8 janvier 2025

Ricochets/ Année 2/ Semaine 1

 


1/ Il y a des mots dont on ne sait pas quoi dire. Il y a le mot grâce qui laisse désarmé, sur le bas-côté du chemin. Sans doute n'en ai-je pas éprouvé ses bienfaits et ce mot hésite à se tenir face à moi. Comme s'il ne faisait pas partie de mon vocabulaire, ou qu'il se tenait caché dans la forêt des songes. Mais la pensée de ce mot impalpable.

2/ La pensée va et vient sans contrôle. Elle nous surprend, nous submerge même puis repart sans crier gare, et nous laisse un peu ahuri au bord de la route. La pensée n'a pas de forme contre laquelle lutter ou simplement se tenir. On ne sait pas vraiment si on en est l'auteur, on sait juste qu'elle traverse notre corps, se revêt de mots et donne à un rien une existence.

3/ Comme un remuement d'herbes sous le souffle du vent là sur les espaces presque désertiques du causse Méjean. En contempler la caresse et le silence en ce premier matin de la nouvelle année. Tout cela en mémoire vive après avoir lu dans le hasard des pages feuilletées un remuement d'herbe écrit là pour évoquer tout autre chose. Je les lis avec ce souvenir d'un moment, à la force d'un poème

4/ Des paraboles pour dire l'invisible. Raconter des histoires pour tenter de dire quelque chose qui est un peu obscur. Paraboles et symboles pour poser les pensées un peu de côté, les examiner sous un autre angle, découvrir une face d'elles qui se tient un peu cachée, qui ne peut se révéler de front. La langue et ses mystères qu'il faut contourner, traverser, se laisser interroger. Faire un pas de côté.

5/ D'un réel vers un autre, ou vers un ailleurs dont on ne savait pas les lisières aussi proches, aussi simples d'accès, où on laisse flotter et errer ses pensées sans les retenir, où cela frémit avec tendresse, où cela chantonne comme un enfant, où l'on ressent comme une joie, comme un chant d'oiseaux à l'aube, un parfum de chèvrefeuille à l'angle d'une rue, une fenêtre où se dilue une lueur.

6/ Ceux qui sont partis, ceux qui sont de l'autre côté des jours, laissent dans l'espace auprès de nous des traces que l'on ne peut s'empêcher de suivre, de questionner, de méditer. Quelques mots, un parfum, un objet, une pensée qui se glisse dans l'esprit, que l'on croyait nôtre, mais qui vient de plus loin et qui ensemence nos mots. On n'échappe pas aux images abandonnées, à tous les mots balbutiés.

 7/ Quand l'équilibre se fait instable, dans un état de relâchement, la parole se fraie un sentier, ébauche un geste, esquisse une voie, abandonne quelques mots au bord de soi. Certains se perdent au cours de leur chute, d'autres stagnent dans un filet de vie; il faut aller les repêcher, souffler un peu dessus pour les réchauffer. C'est alors que le vol des freux déchiquète de trainées noires le ciel inquiet

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