Samedi 2 novembre 1929
On dirait que jusqu'à présent j'ai assez bien réussi avec Une chambre à soi. Cela se vend bien, je crois, et je reçois des lettres inattendues. Mais je suis beaucoup plus intéressée par mes Vagues. Je viens de finir de recopier mon travail de ce matin, et je ne suis pas encore très rassurée. Je sens qu'il y a quelque chose là (j'ai déjà éprouvé cela pour Mrs Dalloway) mais je ne puis l'atteindre franchement. Rien qui ressemble à la vélocité, à la certitude de La promenade au phare. Orlando n'était qu'un jeu d'enfant. Y a-t-il quelque part une erreur de méthode ? Quelque chose de faussé qui empêche les parties intéressantes de reposer sur une base solide ? Je suis dans un état bizarre, consciente d'une rupture. Je tiens une chose intéressante, mais il me manque une table assez solide où la poser. Cela pourrait me venir comme un éclair en relisant... Je ne sais quelle solution...Je suis convaincue d'avoir raison de chercher l'emplacement où je pourrais situer mes personnages, face au temps et à la mer. Mais Seigneur quelle difficulté de creuser là, en soi-même avec conviction ! Hier je tenais la conviction. Aujourd'hui, je ne l'ai plus.
Virginia Woolf "Journal d'un écrivain " ( traduction Germaine Beaumont)
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