1/ Les lignes qui se tracent, presque malgré nous, sur des cahiers, des carnets ou n’importe quel support dont on peut s’emparer, sont tels des fils de toiles d’araignées pour tenter d’emprisonner les entrelacs de ce qui se pense. Entre le dehors et le dedans, cela se trame, se tisse sans savoir à quoi pourra bien ressembler la dentelle ou l’étoffe ajourée qui se fabrique. Une métamorphose de soi en acte.
2/ Créer est peut-être un rituel de deuil écrit Christine Jeanney dans son block note qu’elle rédige avec persévérance au quotidien. Après avoir évoqué les rituels de deuil, que l’on ne sait pas trop comment gérer, elle parle des deuils plus éloignés de nous ceux qui envahissent le monde, et Christine conclue son texte par cette phrase qui me percute, et qui va me trotter dans la tête en ce jour.
3/ De petits soupçons de phrases tentent de se poser, après être restés calfeutrés dans les arcanes d’un cerveau fatigué. Un fragment de soi renaît, vit à nouveau, autre, mais tout autant réel. Faire vibrer sa vie, même infime, par l’entremise des mots, c’est parfois la seule chose qu’il reste et on se dit que l’on a de la chance de pouvoir encore en être capable pour résister contre le monde.
4/ Le dévoilement d’une histoire, lors de la lecture d’un roman, qui prend le temps de l’errance, qui s’attarde sur des détails, nous donne à rêver, dans des méandres, où l’on apprécie de s’égarer, de se laisser emporter, jeter sur une grève un instant, avant de repartir un peu plus loin, un peu plus profond dans la densité des lieux ou des personnages, dans cette vie où l’on se laisse hameçonner.
5/ À marcher toujours dans les mêmes sillons, à voir les mêmes paysages, on oublie que des ailleurs pointent ici ou là, que d’autres chemins seraient possibles d’être empruntés, que des murs pourraient être franchis, et des ruisseaux enjambés...Entre terre et ciel, il doit bien se trouver une vision, avec un peu de bleu, capable de me porter encore sur des chemins neufs. Mais je n’arrive pas à effacer le temps.
6/ À part ce qui est dit il n'y a rien.* À part ce qui s’écrit ici ou dans d’autres carnets, il ne reste rien. Tout s’effiloche de ce qui s’est attrapé au vol sur l’écran, ou entendu entre deux portes, ou lu, même avec une attention démultipliée. Il faut noter ce qui importe, à la main ou au clavier pour que cela vive encore et encore, nourrisse, instruise et rassasie.
7/ Il faudrait sans doute beaucoup marcher pour retrouver qui je devrais être. La marche dans une forêt automnale, même si le froid commence à attiser le bout des doigts, incite à regarder où l’on est, où l’on va, à poser le pied avec une attention requise pour ne pas glisser ou se laisser déséquilibrer par un caillou indélicat. Marcher, regarder le feuillage au sol, celui accroché aux branches et penser.
*Samuel Beckett « Pour finir encore et autres foirades »
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