J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

dimanche 9 novembre 2008

Fin des terres



Je ne rêve pas. Je suis bien là, sur les berges du quotidien, à saisir les débris qui passent, abandonnés par l'inattention des autres, et que je discerne à peine, si fugaces, à travers la demi-cécité d'un brouillard intérieur.(....)

Car il y a, çà et là, des instants de la durée d'une étincelle, où le ciel cesse de tourner, où l'éphémère et la fleur deviennent éternité, et où la tiédeur suspendue de l'air, avec ses cris immuables de bête, est la même que celle qui enveloppait les premiers hommes.(......)

Je suis à moi-même mon propre inconnu. Sur ma route je trouve des miroirs, mais, lorsque je m'y regarde, je ne me reconnais pas, je ne vois qu'un être sans visage; et lorsque je parle, ma voix n'a plus le son de ma voix. Je n'ai pas peur. Je suis seulement étonné. Emerveillé aussi de m'être ainsi perdu.(...)

Ce que je vois, dans mon errance solitaire, à travers ce territoire couvert d'un perpétuel crépuscule déchiré de cratères de nuages, je le vois vraiment pour la première fois; et je ne sais de quel côté de mes yeux celà se passe. Je ne sais si la terre n'est pas devenue mon oeil, tournant dans l'infini de mon orbite. Je ne sais plus où est l'horizon et mêm s'il y a un horizon.

René Pons "Fin des terres" ( Editions Jacques Bremond)
Frontispice de Daniel Dezeuze

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