J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 27 octobre 2010

On ne sait pas pourquoi...


On ne sait pas pourquoi on le fait, on n'est pas obligé. Mais on y va, on a même de la difficulté à se garer mais on persiste. on a préparé un panier avec un journal au fond pour ne pas salir, une petite pelle pour creuser, une bouteille d'eau, et, malgré l'air froid qui coupe un peu la respiration, on s'approche des étals à l'entrée du cimetière, compare un peu les prix - il semble que l'an dernier c'était moins cher - et on achète des bruyères. Toujours des bruyères. On entre par le portillon, décline la quête du souvenir français, s'engage sur l'allée principale avant que celle-ci ne s'étoile afin que chacun s'empare de son chemin. On le connait le chemin, cela fait si longtemps qu'on y vient et, même si pendant plus de vingt ans on ne l'a pas parcouru, on n'a pas oublié. On marche sur l'allée large et goudronnée jusqu'à l'ange, de chaque côté se dressent des monuments de pierre, barricade contre le vent. On tourne sur la gauche, l'allée se rétrécit, puis sur la droite, c'est encore plus étroit, les tombes aussi ont perdu de leur grandiloquence. Une dalle au sol, une stèle, quelques noms inscrits avec des dates, parfois une photo. On y est. On arrache les mauvaises herbes, creuse deux cavités pour y poser les bruyères, arrose avec largesse, balaie un peu, repositionne un Christ couché sur une croix bancale au centre de la pierre, on lit les inscriptions, on pense à ces êtres d'où l'on vient, dont on nous a beaucoup parlé mais que l'on n'a pas connus. On se retourne, sur la tombe en face, là on l'a connue, et on lui dit juste combien elle nous manque. On écoute les silences, ceux qui sont sur la marge où s'inscrivent les poèmes. On revient par la même allée, ce n'est pas triste qu'on est, juste un peu grave, de cette gravité qui pousse à laver son regard, à bénir le bleu du ciel et à y lire les songes qui s'y inscrivent. On reprend la voiture, on a une autre tombe à visiter plus loin - on a des souvenirs de cette autre lignée - , on pose la bruyère, on regarde le ciel, il n'y a pas de mots qui viennent, on sourit simplement. On repart, on écoute Schubert, on roule doucement sur des chemins de traverse, on n'est pas pressé. On a changé de tempo, on irait bien marcher un peu, poser ses pieds sur la terre. Debout.

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