J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

vendredi 26 août 2011

Dehors est la ville


Alors la fiction n’est pas de reconstruire un monde linéaire de mots qui viendrait monter après le silence des toiles, où a déjà cessé tout bruit de la ville et donc des paroles qu’elle condense. La fiction c’est seulement d’accéder à cette présence, d’être là devant cette fenêtre où vole un rideau, d’où nulle parole ne nous vient et puis, dans le même glissement de présence, d’être maintenant dans la rue vide du dimanche matin, où les fenêtres sont rouges et les vitrines vertes, et où les mots sont illisibles parce que personne ne requiert les objets qui ici subsistent, que le langage donc ne sert plus et disparaît : les signes du monde ne valent que si nous sommes-là pour les lire.
Ici nous sommes venus, nous regardons la rue vide du dimanche matin, mais nous sommes mis en retrait de notre pratique de la ville : s’il faut marcher ou bien attendre, ou encore parler ou faire sonner la porte de la vitrine verte, rien ne nous en est signifié.
La fiction alors seulement cette venue muette, où tout glisse, égalité horizontale et suspendue, plutôt comme le rêve que nous portons debout dans notre activité diurne, la présence de la ville celle seule que nous-mêmes lui conférons.


François Bon “  Edward Hopper (Dehors est la ville)” Editions Publie net

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