Chez
moi le présent c'est pour l'éternité, et l'éternité ça bouge
tout le temps, ça fond et ça coule. Cette seconde, c'est la vie. Et
quand elle est passée, elle est morte. Mais on ne peut pas
recommencer à chaque nouvelle seconde, il faut partir de ce qui est
mort. C'est comme les sables mouvants...sans espoir dès le départ.
Une histoire ou un tableau peuvent raviver un peu la sensation, mais
c'est insuffisant, vraiment insuffisant. Seul le présent est réel,
et je sens déjà le poids des siècles qui m'étouffent. Il y a cent
ans vivait une jeune fille comme moi je vis aujourd'hui. Et elle est
morte. Moi je suis le présent mais je sais que je passerai aussi.
Les grands moments, les éclairs brûlants passent comme ils
viennent, dans d'incessants sables mouvants. Et moi je ne veux pas
mourir.
(août 1950)
Sylvia Plath Journaux 1950-1962 (Gallimard septembre 1999 )
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