Panelier 1.
Avant le lever du soleil, au-dessus des hautes collines, les sapins
ne se distinguent pas des ondulations qui les soutiennent. Puis le
soleil de très loin et par-derrière dore le sommet des arbres.
Ainsi et sur le fond à peine décoloré du ciel on dirait d'une
armée de sauvages empennés surgissant de derrière la colline. À
mesure que le soleil monte et que le ciel s'éclaire, les sapins
grandissent et l'armée barbare semble progresser et se masser dans
un tumulte de plumes avant l'invasion. Puis, quand le soleil est
assez haut, il éclaire d'un coup les sapins qui dévalent le flanc
des montagnes. Et c'est apparemment une course sauvage vers la
vallée, le début d'une lutte brève et tragique où les barbares du
jour chasseront l'armée fragile des pensées de la nuit.
1
Pour des raisons de santé, Camus passa plusieurs mois, de l'hiver
1942 au Printemps 1943, à Panelier, près du Chambon-sur-Lignon.
Albert Camus Carnets II (1942-1951)
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