J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

lundi 17 octobre 2016

Suppositions




À supposer
ce que tout un chacun désire
au plus profond de lui-même:
une vie de rechange
où l'on choisirait librement
ses géniteurs
son lieu et sa date de naissance
son nom et son sobriquet
sa voix
sa ou ses langues intimes
sa religion si besoin est
ses amours
uniques ou multiples
la couleur de ses idées
ses combats mûrement réfléchis
sa maison avec son arbre tutélaire
son errance et ses pèlerinages
les livres
la musique
la peinture
qui soient à la hauteur 
de ses propres talents
et tant qu'à faire
quelques secrets
ne faisant de mal à personne
comme celui d'un double intime
à qui l'on pourrait se confier
sans risque de se trahir
ou d'être trahi
quelques futilités
pour se distinguer de la masse
comme de rire
de ce qui n'est apparemment pas risible 
de pleurer quand l'ambiance est à la fête

À supposer 
une vie 
que l'on créerait
librement 
de A à Z 

Abdellatif Laâbi "La saison manquante" ( Editions de la Différence)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'imagine un seul instant, la vie merveilleuse que nous aurions tous, eh oui puisque les choix seraient là à nous satisfaire tous. Cependant, l'approche est bonne, l'analyse est fabuleuse, mais dans la réalité il y aurait toujours ces minorités qui ne seraient pas satisfaites, vous savez celles qui au quotidien pourrissent le vie de tous les jours. Je dois dire, que j'adore ce rêve, je voudrais ardemment pouvoir profiter de cette projection vers un nouveau monde, surtout en ce moment je me retrouve dans une passe de la vie extrêmement difficile. Encore merci pour ce mirage, de toute beauté.

Laura-Solange a dit…

Merci pour votre passage ici! Les mots d'Abdellatif Laâbi sont semblables à une barque se glissant entre les écueils.

Estourelle a dit…

Qu'est ce que c'est bien !!