Mettre
ses pas dans ceux d’un personnage qui a sifflé un air envoûtant
sans doute, mais refuser rapidement d’être le jouet de la flûte
de Hamelin, alors bifurquer et se laisser enivrer par cette odeur si
reconnaissable entre toutes celles qui partent en fumée, celle du
clan, ce tabac qui se fumait autrefois dans les pipes, plein d’arômes
fruités , et visualiser en quelques flashs les gestes qui
précédaient : les pincées saisies entre les phalanges, extraites
de la blague à tabac puis glissées au fond du fourneau, le
tassement, très léger , par accumulation de ces brins , le
craquement de l’allumette, avec l’odeur de souffre, ou le
briquet à gaz avec le pouce qui tournait une mollette – ce briquet
laqué noir et or caressé sur le bureau du père – ou appuyait sur
le bord droit, la flamme au-dessus du fourneau et l’aspiration qui
s’en suivait pour que le tabac, sans qu’il s’embrase , délivre
cette suave odeur et ce goût un peu âpre dans la bouche. Tasser un
peu dans le fourneau avec le bourre-pipe , s’asseoir sur le seuil
de la porte ou devant la cheminée en fumant doucement, goûter sur
le palais ce qui irradie, ne pas aspirer trop fort , garder les
doigts sur le fourneau mais sans installer trop longtemps en bouche
cette pipe de bruyère… Laisser remonter toutes ces sensations et
se perdre dans des visions lointaines… L’homme au clan s’est
évaporé pendant ce laps de temps! Ne pas réfléchir et entrer dans
une boulangerie , acheter des rouleaux de réglisse pour combler un
manque qui, on le sait, est dangereux pour la santé… et songer
aussitôt à ces bâtons de réglisse, achetés dans une minuscule
épicerie dans le village de vacances, conservés entre les lèvres
pendant des heures, qui s’effilochaient avec lenteur et laissaient
un goût doux , un peu amer et quelques traces colorées aux
commissures des lèvres…. Reprendre pied dans l’aujourd’hui et
maintenant, poursuivre le chemin d’errance dans les rues de la
ville , s’adosser à un arbre d’un petit jardin public, après en
avoir caressé l’écorce selon les habitudes de l’enfance,
contempler ce qui est, et marcher sur le revêtement qui donne une
impression d’élasticité, posé au pied des jeux où grimpent les
enfants, et sentir son corps devenir très léger…
10 ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 10) pour
l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site
Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".
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